Loi relative à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé : les principales dispositions concernant les collectivités territoriales
Article
La crise immobilière actuelle entraîne une pénurie de logements qui génère parfois des situations d’abus telle que la mise en location de logements indécents (marchands de sommeil). A ces difficultés s’ajoutent le développement d’habitats dégradés et insalubres. En France, près de 1,5 millions de logements sont concernés par ces problèmes.
Face à ce phénomène, cette loi n° 2024-322 du 9 avril 2024, propose un ensemble de mesures pour accélérer et simplifier la lutte contre la dégradation de l'habitat, faciliter les programmes de revitalisation ou de transformation de copropriétés et, de manière plus accessoire, le montage de grandes opérations d'aménagement (opération d’intérêt National et Grandes Opérations d’Urbanisme).
Le texte propose ainsi 59 articles qui s'articulent autour des trois chapitres suivants :
- Chapitre 1 : Intervention en amont d'une dégradation définitive (articles 1 à 42)
- Chapitre 2 : Accélérer les procédures de recyclage et de transformation des copropriétés et les opérations d'aménagement stratégiques (articles 43 à 52)
- Chapitre 3 : Mesures diverses (articles 53 à 59)
Plusieurs dispositions concernent directement les collectivités locales, notamment celles visant à prendre des mesures préventives pour lutter contre l'habitat indigne ainsi que celles renforçant les moyens d'action des exécutifs locaux.
- Des mesures préventives pour lutter contre l'habitat indigne
- Des moyens d'actions des pouvoirs publics renforcés
Des mesures préventives pour lutter contre l'habitat indigne
La loi élargit notamment la possibilité pour les collectivités de définir des zones où les locations sont soumises à déclaration. Elle leur permet également de définir des sections où certains bâtiments doivent faire l’objet d’un diagnostic structurel.
Mise à la location soumise à déclaration ou autorisation préalable
Les nouvelles dispositions étendent la possibilité pour l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent en matière d'habitat ou, à défaut, le conseil municipal, et ce même en l'absence de programme local de l'habitat (PLH), de pouvoir délimiter des zones soumises à déclaration ou autorisation préalable à la mise en location, au regard de l'objectif de lutte contre l'habitat indigne. Cette possibilité n'était jusqu'à présent ouverte qu'aux collectivités disposant d'un PLH.
De plus, la loi complète l'article L.635-3 du CCH (code de la construction et de l’Habitation) en prévoyant la possibilité pour le président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent en matière d'habitat ou à défaut le maire, de faire procéder à toutes visites qu'il juge utiles pour examiner un logement mis en location. Concernant les modalités des visites il est précisé que « lorsque les lieux sont à usage total ou partiel d'habitation, les visites ne peuvent être effectuées qu'entre 6 heures et 21 heures. L'autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés ces lieux est nécessaire lorsque l'occupant s'oppose à la visite ou lorsque la personne ayant qualité pour autoriser l'accès au logement ne peut pas être atteinte » (article 8).
En cas de non-respect de cette obligation de déclaration ou d’autorisation le maire ou le président de l’EPCI concerné, après avoir informé l’intéressé de la possibilité de faire part de ses observations, peut ordonner à l’encontre de ce dernier une amende au plus égale à 5 000 euros. Jusqu’à présent seul le préfet pouvait ordonner ce paiement. Le produit de cette amende sera intégralement reversé au maire ou au président de l’EPCI concerné et non plus, comme précédemment à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) (article 23).
Diagnostic structurel de l’immeuble
Une autre disposition de la loi insère au CCH une nouvelle section consacrée au "diagnostic structurel de l'immeuble" (article 27). II s'agit de permettre à la commune de définir un secteur au sein duquel les bâtiments d'habitation collectif de plus de 15 ans doivent faire l'objet d'un diagnostic structurel.
Ce secteur peut être compris dans des zones, caractérisées par une proportion d’habitats dégradés ou une concentration importante d’habitat ancien, «...dans lesquelles les bâtiments sont susceptibles de présenter des fragilités structurelles du fait notamment de leur époque de construction, de leurs caractéristiques techniques et architecturales, des matériaux de construction employés ou de l'état des sols ».
Le diagnostic doit être établi par des experts remplissant des compétences qui seront précisées par décret. Il doit présenter une description des désordres portant atteinte à la solidité et évaluant les risques pour la sécurité des habitants et des tiers.
Une fois réalisé, il devra être transmis par le propriétaire de l’immeuble à la commune concernée. Pour les copropriétés le projet de plan pluriannuel est suffisant, il vaut diagnostic.
A noter, également que la loi complète les données devant figurer dans le registre auquel sont immatriculés les syndicats de copropriétaires, en y intégrant notamment celles utiles à l'Etat ou aux collectivités pour mettre en œuvre des dispositifs de repérage et d'accompagnement des copropriétés en difficulté.
Des moyens d'actions des pouvoirs publics renforcés
Parmi les moyens présentés par la loi on peut notamment relever l'expropriation pour cause d'utilité publique et le droit de préemption urbain. De plus, le texte associe davantage les collectivités et exécutifs locaux aux mesures prises pour rénover les copropriétés insalubres.
Expropriation d’un immeuble à titre remédiable
Concernant l'expropriation la loi insère un nouveau chapitre au code de l'expropriation pour cause d'utilité publique consacré à "l'expropriation des immeubles à titre remédiable" (article 9).
Ces nouvelles dispositions prévoient notamment que l'expropriation d'immeubles bâtis ou de parties d'immeubles bâtis peut être poursuivie au profit de plusieurs bénéficiaires dont l'Etat mais aussi les collectivités territoriales, dès lors que les conditions suivantes sont remplies :
- L'immeuble doit avoir fait l'objet, au cours des dix dernières années civiles, d'au moins deux arrêtés de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité.
- Un rapport des services municipaux, intercommunaux ou de l'Etat compétents ou d'un expert désigné par l'autorité compétente doit attester de la nécessité des mesures de remise en état de l'immeuble pour prévenir la poursuite de la dégradation de celui-ci.
- La remise en l'état de l'immeuble doit justifier une interdiction temporaire d'habiter.
Droit de préemption urbain
La loi étend ensuite la possibilité d'exercer le droit de préemption urbain en vue de la réalisation d'une opération programmée de l'habitat, d'un plan local de sauvegarde ou d'opérations de requalification de copropriétés dégradées (article 22). Pour rappel, ce droit de préemption impose au propriétaire d’un bien immobilier situé dans une zone définie, qui souhaite le vendre, de le proposer en priorité à la collectivité détentrice du droit (commune ou EPCI).
Des moyens supplémentaires pour lutter contre les situations d’aménagement ou constructions présentant des risques pour la santé
Enfin, dans les cas où les travaux entrepris et exécutés, pour des constructions ou des aménagements, « ont produit des installations qui présentent un risque certain pour la sécurité ou pour la santé et lorsque la mise en demeure est restée sans effet au terme du délai imparti... », l'autorité compétente, en l'occurrence le maire, peut faire procéder d'office à la réalisation des mesures prescrites, aux frais de l'intéressé.
Dans l'hypothèse où aucun moyen ne permet de régulariser les travaux entrepris « …l'autorité compétente peut procéder à la démolition complète.... » de ces installations «... aux frais de l'intéressé, après y avoir été autorisée par un jugement du président du tribunal judiciaire ... ».
Les collectivités davantage associées
Plusieurs dispositions de la loi prévoient effectivement que les collectivités et exécutifs locaux soient consultés ou saisis pour donner leurs observations et leurs autorisations.
Ainsi, par exemple, lorsqu’un immeuble fait l’objet d’un arrêté de police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, le signataire de cet arrêté qui peut être le maire, doit être destinataire « ... du procès-verbal de l'assemblée générale de copropriété, à laquelle il peut assister ou se faire représenter et formuler des observations sur les questions inscrites à l'ordre du jour » (article 37).
La loi prévoit également que l’accord du maire soit obtenu pour l’implantation de construction temporaire destinée à reloger des personnes suite à des opérations d’aménagement rendues nécessaires pour lutter contre l’habitat indigne ou dégradé (article 24).
Les collectivités sont aussi amenées à donner leurs autorisations dans le cadre d’expérimentations prévues par la loi.
Ainsi, la commune ou l’EPCI compétent doit donner son autorisation préalable à la conclusion, en vue de la rénovation d’un immeuble, d’une convention, entre un opérateur et un syndicat de copropriété, pour une acquisition temporaire à titre onéreux « ...soit du seul terrain d'assiette de la copropriété, soit des seuls parties et équipements communs des immeubles qui la constituent, soit du terrain et des parties et équipements communs ».
Cette possibilité sera expérimentée pour une durée de dix ans à compter de la promulgation de la loi (article 11).
Une autre expérimentation vise à lutter contre la location dite « à la chambre » et contre les marchands de sommeil. Il est ainsi prévu, pour une durée de 5 ans, que le président de l’EPCI ou à défaut le maire de la commune, ayant institué ladite autorisation, puisse rejeter une demande de colocation, formalisée par la conclusion de plusieurs contrats entre les locataires et le bailleur, dès lors que les caractéristiques du logement et des baux ne permettent pas de garantir aux occupants des conditions d’existence dignes (article 33).
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