Les collectivités locales face au vieillissement de la population : comment s’adapter ? (loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement)
Article
01/03/2017
Les communes sont souvent le premier interlocuteur des personnes âgées. Elles veillent à leur bien-être, à leur santé et à leur sécurité par l’intermédiaire de leurs services sociaux, des associations qu’elles subventionnent et des salles qu’elles mettent à disposition. Elles permettent ainsi aux personnes de rester à leur domicile, et de conserver les liens affectifs et amicaux qu’elles ont tissés au fil des ans.
La loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement entre en vigueur au 1er janvier 2016 mais les différentes mesures se mettront en place au cours de l’année et à la suite de la publication d’une série de décrets.
La loi fixe un cadre permettant à l’ensemble des acteurs concernés de se projeter dans l’avenir, d’appréhender les enjeux locaux et d’adapter des solutions à une situation inédite.
Adapter la société au vieillissement
Le rapport annexé à la loi (article 2) rappelle que les personnes de 65 ans ou plus représentent aujourd’hui 18,4 % de la population, soit 15 millions de personnes dont plus de la moitié sont âgées de 75 ans ou plus. Le nombre de personnes de 60 ans ou plus a augmenté de 22,6 % en dix ans en raison de l’allongement de la durée de vie et de l’avancée en âge des générations du baby-boom en 2060. 1 personne sur 3 aura plus de 60 ans.
Les collectivités territoriales doivent ainsi s’adapter aux exigences d’une population qui vieillit et repenser les transports, la mobilité, l’urbanisme et les types d’habitat.
Cette « révolution de l'âge » est selon le texte « un défi social » qui ouvre la perspective d’une société d’entraide générationnelle plus fraternelle et préfigure aussi un dynamisme économique généré par les emplois qui seront créés dans le domaine du bâtiment et des services.
Ainsi, l'article premier pose le principe général d'orientation et de programmation de la loi : « l'adaptation de la société au vieillissement est un impératif national et une priorité de l'ensemble des politiques publiques de la Nation ».
Les politiques publiques doivent prendre en compte la forte augmentation de l’espérance de vie d’une population en bonne santé pour la plupart des individus afin de penser autrement la cohésion sociale. La participation des personnes âgées à la vie associative est ainsi encouragée notamment par la reconnaissance de leur statut de tuteur dans le cadre d’un service civique (article 9).
Les personnes âgées sont désormais représentées dans les commissions communales d’accessibilité des communes de 5 000 habitants et plus (art. 21).
Composées des représentants de la commune, d'associations ou organismes représentant les personnes handicapées, ces commissions prévues par l’article L.2143-3 du CGCT (code général des collectivités territoriales) établissent notamment un rapport annuel présenté en conseil municipal et émettent toutes les propositions utiles de nature à améliorer la mise en accessibilité des bâtiments, de la voirie et des transports locaux.
Financer la prévention de la perte d’autonomie
Création d’une « Conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées » dans chaque département (art. 3)
Cette conférence établit un diagnostic des besoins des personnes âgées, recense les initiatives locales afin de coordonner les financements des actions de prévention (amélioration des accès aux équipements, soutien à domicile,…).
Le conseil départemental coordonne les actions en faveur des personnes âgées en s’appuyant sur les rapports et les diagnostics de cette conférence (article 76).
Par ailleurs, la CNSA (caisse nationale de la solidarité pour l’autonomie) est chargée de financer la formation et le soutien des proches aidant la personne âgée, des personnels administratifs des services à domicile ainsi que des intervenants bénévoles qui contribuent au maintien des liens sociaux dans le cadre de la « mobilisation nationale contre l’isolement des âgés » (Monalisa) (article 8).
Protéger les personnes âgées et défendre leurs droits
La participation des caisses de retraite
L’Etat conclut avec les principales caisses de retraites une convention pluriannuelle fixant les principes et les objectifs d’une politique coordonnée d’action sociale.
Les informations détenues par les différentes caisses de retraite pourront être croisées avec celles des caisses d’assurance maladie pour repérer les personnes en risque de perte d’autonomie. Un décret en conseil d’Etat pris après un avis de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) précisera la nature des informations transmises (article 6).
Droit à l’information et liberté individuelle
Un nouvel article L.113-1-2 du code de l’action sociale et des familles consacre le droit à l’information des personnes âgées et de leurs familles sur les prises en charge adaptées à leurs besoins et à leurs souhaits. Cette information leur permettre de choisir de façon éclairée leur mode de vies (article 24).
L'exercice des droits et libertés individuelles est garanti à toute personne prise en charge par des établissements, des services sociaux et médico-sociaux. Ainsi, le principe « du respect de la dignité, de l’intégrité, de la vie privée, de l’intimité de la sécurité et du droit d’aller et de venir librement de la personne» est intégré à l’article L.311-3 du code de l’action sociale et des familles. De plus, une charte présentant les droits de ces personnes est ainsi affichée dans l’établissement ou le service d’accueil (article 27).
Un nouvel article L.311-3 de ce même code précise toutefois que la liberté de la personne peut être limitée pour raison médicale sur avis du médecin coordonnateur mais que cette entrave dans la liberté de se déplacer librement doit être proportionnée à sa sécurité et à son bien-être.
Les personnes âgées disposent d’un droit de rétractation dans un délai de 15 jours suite à la signature d’un contrat de séjour ainsi que d’un droit de résiliation passé ce délai de rétractation. Le délai de préavis donné par l’établissement doit être prévu au contrat (article 27).
Un nouvel article L.311-5 est inséré au code de l’action sociale et de la famille. Il précise les missions tenues par la personne de confiance désignée par la personne âgée pour l’assister dans ses relations avec l’établissement d’accueil. Elle peut par exemple accompagner le résident dans ses démarches et assister aux entretiens médicaux afin de l’aider à prendre une décision.
Afin de protéger les droits de la personne et de prévenir tout risque de maltraitance, le mandataire judiciaire à la protection des majeurs remet personnellement à la personne protégée un ensemble de documents précisant ses droits, les mesures de protection qui lui sont adaptées, les prestations proposées ainsi que leurs modes de paiement.
Les personnes qui agissent au sein d’une structure d’accueil, qu’elles soient propriétaires, gestionnaires, employées ou bénévoles, ne peuvent bénéficier de dons ou d’une disposition testamentaire de la part de la personne âgée pendant la durée de sa prise en charge. Il en est de même pout tout responsable ou salarié d’un service d’aide à domicile (article 28).
Renforcer l’aide à domicile
Réforme de l’APA (allocation personnalisée d’autonomie) dans le cadre de l’aide à domicile
L’APA est une prestation destinée à aider les personnes âgées dépendantes à rémunérer les aides à domicile ou, pour celles qui sont accueillies en EHPAD (établissement d’hébergement pour des personnes âgées dépendantes), à acquitter une partie du tarif dépendance. Cette aide est versée par les conseils départementaux. Son montant est modulé en fonction des ressources et de l'état de dépendance de la personne.
Elle a pour but de leur permettre de recourir aux aides dont elles ont besoin pour accomplir les actes de la vie courante (se déplacer, se nourrir, ...).
La réforme de l’APA prévoit une revalorisation du plafond des plans d’aide et un nouveau mode de calcul afin de diminuer d’autre part les frais à la charge de la personne âgée (article 41 et suivants).
L’aide à domicile est également refondée afin de sécuriser le financement de cette activité et de mettre en place un cahier des charges de missions opposables aux services. Ces missions doivent comprendre des exigences de qualité et de diversification ainsi qu’une plus forte professionnalisation des intervenants (article 46 et suivants).
Des expérimentations d’organisation, de fonctionnement et de financement de services polyvalents d’aide et de soins à domicile peuvent être mises en œuvre avec l’accord du conseil départemental et de l’Agence régionale de santé (ARS) (article 49).
Un nouveau statut pour les « proches aidants »
Les « proches aidants », sont un conjoint marié concubin ou pacsé, un membre de la famille (enfants, frères ou sœurs,…) ou encore un proche non professionnel qui aident la personne âgée à accomplir de manière régulière et fréquente les activités indispensables de la vie quotidienne. Ce terme remplace celui « de soutien familial » (article 51).
Ils bénéficient pour la première fois d'un statut particulier. Ils peuvent être ainsi en partie indemnisés et bénéficier de période de repos (article 52). La personne âgée pourra être ainsi être accueillie dans un hébergement temporaire ou bénéficier d’une aide renforcée à domicile afin que le proche aidant puisse se reposer. Un congé peut être transformé en période d’activité à temps partiel avec l’accord de l’employeur. Un décret précisera les modalités d’application de ces mesures (article 53).
Le conseil départemental coordonne par ailleurs les actions en faveur des proches aidants dans le cadre du schéma départemental d’organisation médico-sociale (article 76).
L’accueil des personnes âgées ou des personnes handicapées au sein des familles à titre onéreux est soutenu. Les accueillants doivent être agréés par le conseil départemental et s’engager à suivre une formation et une initiation aux gestes de premiers secours organisées par le conseil avant d’accueillir leurs pensionnaires.
Simplifier les régimes financiers et juridiques des établissements collectifs accueillant les personnes âgées
De nouveaux modes d'hébergements sont pris en compte. Ainsi les résidences-services qui proposent aux personnes âgés certaines prestations : assistance médicale, restauration ou ménages, sont créées dans le code de la construction et de l'habitation. Les différentes prestations et leur coût y sont détaillés (article 15). Le décret n° 2016-1737 du 14 décembre 2016 en précise les modalités d'application.
L’appellation de « résidences autonomie » remplace celui de « logement-foyer ». Intermédiaire entre le domicile et l’institution, ce nouveau statut exige un socle minimal de prestations qui devront être proposées aux résidents.
Les tarifs d’hébergement en EHPAD sont clarifiés.
Un EHPAD est une structure médicalisée qui accueille des personnes âgées de plus de 60 ans en situation de perte d’autonomie physique et/ou psychique et qui ne peuvent plus être maintenues à domicile. L’EHPAD signe une convention avec l’Etat et le conseil départemental et s’engage à respecter un cahier des charges départemental qui fixe les objectifs de qualité de la prise en charge des résidents, et ses moyens financiers de fonctionnement.
La loi instaure dans les EHPAD privés non habilités à l’aide sociale un socle de prestations minimales dont la liste sera fixée par décret. Ce socle fait l’objet d’un tarif global.
Le prix du socle ainsi que celui des autres prestations sont librement fixés lors de la signature du contrat mais varient ensuite dans des conditions et selon un pourcentage fixés par un décret et un arrêté (article 57).
Des institutions pour gouverner les politiques de l’autonomie
Il est créé un Haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) qui se substitue à différents conseils de retraités et de comités (de la famille, de la parentalité, de lutte contre la maltraitance,...). Réunissant différentes générations, il aura pour missions d’animer le débat public et d’apporter aux pouvoirs publics une expertise prospective et transversale sur les questions liées à la famille et à l’enfance, à l’avancée en âge, à l’adaptation de la société au vieillissement et à la bientraitance. Il pourra par exemple formuler des recommandations sur les objectifs. Son fonctionnement et sa composition sont fixés par décrets (article 69).
La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie voit ses capacités d’action renforcées.
Mise en place en 2005, la CNSA finance des aides en faveur des personnes âgées en perte d’autonomie et des personnes handicapées Elle est chargée de garantir l’égalité de traitement des personnes handicapées sur tout le territoire. Elle assure également une mission d’information et d’animation de réseaux ainsi qu’un rôle d’expertise sur les questions liées à l’accès à l’autonomie. Elle dispose pour cela d’un budget de plus de 22 milliards d’euros.
Elle est aujourd’hui chargée par la loi d’accompagner les maisons départementales de l’autonomie. Elle contribue à la connaissance de l’offre médico-sociale et à l’analyse des besoins des personnes âgées et handicapées. Elle assure le pilotage des dispositifs qui concourent à l’innovation, à l’information et au conseil sur les techniques qui améliorent l’autonomie de ces personnes (article 70 et suivants).
Le conseil départemental de la citoyenneté et de l’autonomie (CDCA), présidé par le président du conseil départemental remplace le comité départemental des retraités et des personnes âgées (CODERPA) et le conseil départemental consultatif des personnes handicapées (CDCPH). La loi présente l’ensemble de ses missions. Le conseil assure notamment la participation des personnes âgées et des personnes handicapées à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques de l’autonomie dans le département.
Des maisons départementales de l’autonomie (MDA) pourront être mises en place par les conseils départementaux. Seront ainsi mises en commun dans ces maisons des « misions d’accueil, d’information, de conseil et d’instruction des demandes, d’élaboration des plans d’aide au profit des personnes âgées et des personnes handicapées ». Son organisation doit répondre à un cahier des charges précis défini par décret (article 82).
La mise en œuvre de la loi fera l’objet d’un premier rapport remis dans les 18 mois puis d’un second rapport remis dans les 36 mois suivant la promulgation de la loi (article 86).
Nous vous rappelons que HGI-ATD ne répond qu'aux sollicitations de ses adhérents. Toute demande de documentation, conseil ou assistance ne respectant pas cette condition ne pourra aboutir.