Le transfert des voies, réseaux et équipements communs d’un lotissement privé dans le domaine public
Les transferts des voies, réseaux et équipements communs d’un lotissement privé dans le domaine public sont des opérations fréquemment entreprises au niveau local, en particulier par les communes. Il convient de déterminer selon quelles procédures peuvent être réalisés ces transferts, quelles autorités locales, communes ou groupements de communes ou de collectivités, sont compétentes pour les entreprendre, quelles problématiques de gestion elles soulèvent et quelles réponses pratiques peuvent y être apportées.
Considérations générales
La liberté de choix de la collectivité compétente
La reprise par la collectivité compétente (voir infra §3 sur ce point) des voies, réseaux et des équipements communs d’un lotissement privé ne constitue pas une obligation pour elle. C’est ce que souligne la doctrine administrative qui, après avoir rappelé que les équipements communs « ont pour vocation normale d’être la propriété des acquéreurs de lots ou de leur association syndicale », affirme qu’il « serait inopportun de transférer automatiquement à la commune, si celle-ci ne le désire pas, la charge et la responsabilité d’équipements dont la réalisation n’a pas été décidée par le conseil municipal » (Rép. Min. à la Question n°48127, 30 septembre 1991, JOAN, 1er juin 1992).
Le transfert de la propriété des équipements du lotissement proposé par l'association syndicale ou les colotis n'est pas un droit. La collectivité compétente dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour le refuser, sauf erreur manifeste d'appréciation (CE, 23 janv. 1985, Renaud de la Faverie : Dr. adm. 1985, comm. 174).
Un intérêt public à la reprise
Un tel transfert doit avant tout répondre à un intérêt public. Le Conseil d'État a ainsi rappelé qu’il n'appartenait pas à un conseil municipal de prendre des délibérations ayant pour effet de mettre à la charge du budget communal, des dépenses pour l'exécution de travaux ne présentant pas un intérêt général pour la commune (CE, 21 juin 1993, commune de Chauriat, n° 114891).
L’intérêt que peut présenter, pour une collectivité, le transfert amiable des voies d’un lotissement s’attache essentiellement à leur ouverture à la circulation publique. Cette dernière résulte du consentement, expresse ou tacite, des propriétaires à cette ouverture mais également de la configuration des lieux (ainsi, les voies en impasse ne sont généralement pas considérées comme ouvertes à la circulation publique : CAA Marseille, 22 avril 2014, n°12MA02254)[1]. Par ailleurs, il est possible de faire valoir que l'intégration des voies dans le domaine public routier va permettre la desserte d’un autre lotissement en cours de construction ou bien d’améliorer la circulation dans un quartier nouvellement urbanisé (CE, 10 février 1992, Choquette, n°107113) ou encore de créer un itinéraire de liaison entre des voies publiques existantes (CAA Lyon, 22 Juin 2023, n°21LY02813) .
Il appartient en conséquence à la collectivité d'apprécier l'intérêt que peut représenter pour elle la reprise dans son patrimoine de tel ou tel équipement du lotissement.
Les procédures de transfert des voies et équipements des lotissements
Un transfert envisageable dès la création du lotissement
Le lotisseur peut tout d’abord prévoir ab initio, en amont de la réalisation du lotissement, que les voies et les espaces communs (réseaux, espaces verts et autres ouvrages et équipements d’intérêt collectif) seront transférés à la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent dès que les travaux seront achevés.
Une convention de transfert de tout ou partie des voies et des espaces communs dans le domaine public doit être conclue entre le lotisseur et la collectivité compétente, et ce, concomitamment au dépôt du dossier de la demande de permis d’aménager (article R. 442-8 du code de l’urbanisme)[2]. Dans ce cadre, la question de la gestion ultérieure des biens communs doit être réglée avant même que le permis d’aménager ne soit déposé.
Le transfert d’office
A défaut d’accord amiable, la reprise des voies peut être imposée par la commune ou l’EPCI compétent, conformément à l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme. Les dispositions de cet article permettent en effet le transfert d’office et sans indemnité dans le domaine public, après enquête publique, de voies privées ouvertes à la circulation publique comprises dans un ensemble d'habitations. Là encore, il ne s’agit que d’une simple faculté (CAA Paris, 8 juillet 2004, n°00PA00332).
L'article L. 318-3 précité mentionne que l'enquête est ouverte par le maire ou le président de l’EPCI selon les modalités prévues par les articles R. 318-7, R. 318-10 et R. 318-11 du Code de l’urbanisme ainsi que les articles R.141-4 et suivants du code de la voirie routière. (RM à QE n° 01585-02995, JO Sénat du 16/02/2023 - page 1157)
Ce transfert d’office obéit cependant à des conditions restrictives :
Ainsi, il faut que la voie soit effectivement ouverte à la circulation publique. Il est donc indispensable que les propriétaires en cause aient consenti, au moins tacitement, à l’ouverture à la circulation générale de la voie, c’est-à-dire qu’ils ne doivent pas avoir exprimé leur souhait de s’en réserver l’usage par exemple par l’apposition d’un panneau indiquant « voie réservée aux riverains » ou par l’apposition de barrières ou encore par une pétition adressée à la mairie pour s’opposer à la circulation publique (CE, 13 octobre 2016, n°381574.). Le juge a également considéré irrégulier le classement d’une impasse dans le domaine public, notamment en raison d’un courrier adressé à la mairie par lequel certains propriétaires ont indiqué refuser cette ouverture et ce, alors même que l’impasse en question n’avait fait l’objet d’aucune mesure matérielle de fermeture au public, telles que l’apposition de panneaux ou de barrières, et qu’elle desservait de nombreuses habitations (Cour Administrative d'Appel de Marseille, 22 avril 2014, n°12MA02254, confirmé par CE, 13 octobre 2016, n°381574). La volonté des propriétaires de fermer la voie à la circulation publique peut même intervenir après l'engagement de la procédure de transfert (CE 17 juin 2015, commune de Noisy-le-Grand, n°373187).
En cas d’opposition d’un ou de plusieurs propriétaires, la seule possibilité pour procéder au transfert d’office serait alors d’engager une expropriation pour utilité publique. Toutefois, outre la lourdeur de cette procédure (enquête publique, arrêté d’utilité publique, etc.), cette dernière doit, contrairement à ce qui est prévu dans le cadre de l’article L.318-3 du code de l’urbanisme, donner lieu au versement d’une indemnité aux propriétaires concernés. Il serait de plus indispensable de démontrer l’utilité publique d’une telle expropriation.
Il convient également de clairement distinguer l’opposition à l’ouverture à la circulation publique de l’opposition au transfert d’office par un ou plusieurs propriétaires. La première interdit le transfert d’office puisque la condition d’ouverture à la circulation publique prescrite par l’article L 318-3 n’est pas remplie. La seconde n’interdit pas le recours à cet article mais elle a pour effet de dessaisir l’autorité locale compétente (communale ou intercommunale) pour prononcer le transfert et d’attribuer ce pouvoir au préfet (CAA Lyon, 17 mars 2016, n°15LY01117).
Enfin, la procédure de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme ne concerne que les voies, entendues de manière stricte, et de leurs accessoires indissociables, dans la mesure où le transfert de propriété privée se fait sans indemnité[3]. Il en résulte que si le réseau d’éclairage public et d’évacuation des eaux pluviales, qui apparaissent comme des accessoires indissociables des voies, sont concernés par le transfert, les réseaux d’eau et d’assainissement, bien qu’implantés dans l’emprise des voies, en sont obligatoirement exclus (CAA de Marseille, 1 décembre 2015, n°14MA01791, considérant n°6). Cette exclusion concerne également les autres équipements communs tels que les espaces verts.
Il faut noter que la dissociation qui doit être faite entre les voies et les réseaux qui y sont implantés et qui sont exclus de la procédure de transfert d’office parait imposer de procéder, préalablement à ce transfert, à des divisions en volume[4] (entre les voies et les réseaux) de manière ce que le transfert ne porte que sur les voies et ses accessoires indissociables.
Ces restrictions posées par l’article L 318-3 du code de l’urbanisme peuvent engendrer des difficultés de gestion, surtout si ces réseaux et équipements communs demeurent privés et ne sont pas transférés aux personnes publiques compétentes pour les acquérir et les gérer. En pareille hypothèse, il faudrait que les réseaux demeurés privés (ex : réseaux d’eau et d’assainissement) puissent, pour continuer à être implantés dans les voies devenues publiques, justifier d’un titre d’occupation (servitude, permission de voirie, autorisation d’occupation temporaire du domaine public) délivré par la personne publique propriétaire desdites voies.
Si ces réseaux doivent devenir publics, une procédure amiable de transfert doit être directement engagée entre leur propriétaire (le lotisseur, l’association syndicale ou les colotis) et les personnes publiques compétentes et aboutir à la signature d’actes séparés de transfert de propriété. Ces transferts devront s’accompagner en parallèle des titres d’occupation susmentionnés dans l’emprise des voies nouvellement publiques délivrés par leur propriétaire au bénéfice des personnes publiques acquéreuses des réseaux.
Un transfert amiable après la réalisation du lotissement
Le transfert des voies privées, réseaux et équipements communs peut également se réaliser après l’achèvement des travaux, même si le permis d'aménager n’a prévu aucune prescription en ce sens (CAA Paris, 8 juillet 2004, n°00PA00332).
Ce transfert de propriété amiable intervient entre la collectivité compétente et le (s) propriétaire (s) des équipements concernés (lotisseur, association syndicale du lotissement -ASL- ou propriétaires des lots[5]). En pratique, l’organe délibérant doit se prononcer sur le transfert de propriété. Ainsi, une délibération énumérant la liste des parcelles, surfaces et équipements concernés et autorisant l’exécutif à accomplir les démarches nécessaires pour formaliser le transfert de propriété doit être adoptée. Le transfert, qui intervient en principe à titre gratuit (la contrepartie résidant pour les anciens propriétaires dans la prise en charge de l’entretien des voies et équipements par la collectivité), donne lieu à la signature d’un acte authentique établi, soit devant notaire, soit en la forme administrative, et fait l’objet d’une publication au fichier immobilier.
Si les voies privées acquises par la collectivité compétente doivent, au regard notamment de leurs caractéristiques et de leur fonction de desserte, être rangées dans la catégorie des voies communales et relever par conséquent du domaine public routier, elles doivent alors faire l’objet d’une délibération expresse de classement conformément à l’article L 141-3 du code de la voirie routière. Cette délibération de classement doit intervenir une fois que le transfert de propriété est acté mais rien ne s’oppose à ce qu’elle intervienne au cours de la même séance de l’assemblée délibérante que celle approuvant le transfert de propriété[6].
Selon la collectivité acquéreuse, le classement est prononcé, par la commune ou par l’EPCI compétent en matière de voirie en application de l'article L. 141-12 du code de la voirie routière selon lequel « Les attributions dévolues au maire et au conseil municipal par les dispositions du présent code sont exercées, le cas échéant, par le président et l'assemblée délibérante de l'établissement public de coopération intercommunale compétent
Lorsque la voie en cause est destinée à intégrer le domaine public routier dans la catégorie des voies communales, son classement est dispensé d'enquête publique préalable, sauf lorsque ce classement a pour conséquence de porter atteinte aux fonctions de desserte ou de circulation assurées par la voie (article L.141-3 du code de la voirie routière). Dans la mesure où la voie existe, qu’elle est ouverte à la circulation publique et qu’il n’y a pas de modification des conditions de desserte ou de circulation, une enquête publique n’est pas nécessaire (Question n°17208, JO Sénat, 13 octobre 2005, p. 2638).
L’autorité compétente pour intégrer les voies, réseaux et équipements communs d’un lotissement
Une collectivité locale doit, par principe, posséder la compétence pour acquérir un bien, soit en vertu d’une loi, soit, s’agissant d’une commune, au titre de la clause de compétence générale, soit s’agissant d’un EPCI, au regard de ses compétences statutaires.
Selon les principes d'exclusivité et de spécialité régissant les communes et l’intercommunalité, le transfert d’une compétence communale à un EPCI dessaisit la commune de cette compétence ainsi que des droits et obligations qui s'y rattachent au profit exclusif de l’EPCI. La commune n’a donc pas vocation à intégrer dans son domaine public, même temporairement, un équipement au titre d'une compétence qu'elle n'exerce plus. A l'inverse et conformément au principe de spécialité, l'EPCI ne peut pas acquérir des biens qui ne servent pas à l'exercice de ses compétences statutaires.
Pas plus qu’elle ne saurait l’acquérir, faute de disposer de la compétence à cet effet, une collectivité ne saurait, ni conserver un bien dans son patrimoine, ni a fortiori le gérer.
Pour les voies, réseaux et équipements communs d’un lotissement devant faire l’objet d’un transfert dans le patrimoine public, il est donc nécessaire de répertorier préalablement les différentes personnes publiques compétentes à l‘égard de ces biens (EPCI, syndicats mixtes …). Se pose alors la question de savoir comment procéder à leur transfert dans le respect des principes d’exclusivité et de spécialité sus mentionnés et des compétences des diverses personnes publiques concernées.
La doctrine administrative et la jurisprudence apportent des réponses partielles à cette question qui diffèrent selon les procédures mises en œuvre. Des incertitudes juridiques subsistent et ce sont des considérations pratiques qui vont justifier les solutions préconisées ci-après.
L’autorité compétente dans le cadre de la procédure de transfert dès la création du lotissement
L’article R 442-8 du code de l’urbanisme précité autorise expressément le lotisseur à conclure avec la commune ou avec l’EPCI compétent une convention prévoyant le transfert dans leur domaine de la totalité des voies et espaces communs une fois les travaux achevés. Cet article soulève la difficulté d’identification de l’EPCI compétent.
Une réponse ministérielle précise sur ce point que si les voies d'un lotissement sont incluses dans la voirie considérée comme d'intérêt communautaire au regard des statuts d'une communauté de communes, alors la conclusion de la convention prévoyant la rétrocession immédiate des équipements communs d'un lotissement à la fin des travaux relèvera de la compétence de la communauté de communes et non de la commune (RM à QE n°06895 JO Sénat du 21 novembre 2013 p.3390).
Au regard de cette réponse ministérielle, la commune ne pourra conclure de convention de transfert avec le lotisseur qu’à la condition d’avoir conservé une compétence, même résiduelle, en matière de voirie, en particulier au regard de la définition de la voirie d’intérêt communautaire. Mais cela est rarement le cas.
L’application de cette réponse ministérielle se heurte cependant à une difficulté juridique si la communauté de communes et plus globalement l’EPCI compétent en matière de voirie ne possède pas la compétence statutaire à l’égard des équipements communs, autres que la voirie. Dans ce cas, l’acquisition de ces équipements est contestable au regard du principe de spécialité et il est indispensable que l’EPCI les remette ensuite aux différentes personnes publiques compétentes pour les gérer. Chaque bien devra être clairement identifié pour permettre cette remise en gestion ultérieure par des actes séparés.
Cette remise en gestion s’impose également dans l’hypothèse où c’est la commune qui acquiert les voies et les espaces communs puisqu’elle n’a pas vocation à conserver dans son patrimoine et à gérer des biens pour lesquels elle n’est pas compétente.
La remise en gestion a lieu selon les modalités précisées au § 4 ci-après
L’autorité compétente dans le cadre de la procédure de transfert d’office
Il existe une incertitude sur la collectivité compétente pour mettre en œuvre cette procédure lorsque la compétence voirie a été transférée à un EPCI. En principe, un tel transfert signifie que seul l’EPCI serait à même d’intervenir sur le fondement de ce dispositif, d’autant que le texte de l’article L.318-3 prévoit que « l’enquête publique est ouverte par l'autorité exécutive de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale ». Une ancienne réponse ministérielle indique que cette procédure ne saurait être mise en œuvre par un EPCI (Question n°13226, JO Sénat, 25 avril 1996, p. 1018). Par ailleurs, le juge administratif a considéré que, malgré le transfert de compétences à un EPCI, rien ne s’opposait à ce que la voirie et ses accessoires indissociables transitent préalablement par le patrimoine communal et soient ensuite mis à la disposition de l’EPCI compétent pour en assurer la gestion (CAA de Marseille, 1 décembre 2015, n°14MA01791 précitée).
Cette possibilité offerte à la commune de mettre en œuvre la procédure du transfert d’office de l’article L 318-3 du code de l’urbanisme, alors même qu’elle n’est pas compétente pour gérer les voies et leurs accessoires indissociables objets du transfert, est cependant juridiquement fragile et mériterait d’être confirmée par le Conseil d’Etat.
Quoiqu’il en soit, lorsque la commune ou l’EPCI compétent en matière de voirie engagent cette procédure, ils doivent ensuite remettre en gestion aux personnes publiques compétentes les biens dont ils vont transitoirement devenir propriétaire (ex : la voirie, l’éclairage public et le réseau pluvial implantés dans l’emprise des voies)[7] et qu’ils n’ont pas vocation à gérer.
La remise en gestion a lieu selon les modalités précisées au § 4 ci-après
L’autorité compétente dans le cadre de la procédure de transfert amiable
Comme dit précédemment, la mise en œuvre de la procédure amiable doit respecter les principes d’exclusivité et de spécialité régissant les communes et l’intercommunalité. Cette problématique n’est pas expressément réglée par les textes et n'a pas été tranchée par le juge administratif. Elle a fait simplement l'objet d'une réponse ministérielle qui date de 2002 et qui indique que chaque personne publique compétente à l’égard des différents biens (voies, réseaux et équipements communs) doit les intégrer directement dans son patrimoine (Réponse ministérielle à la QE n°341, publiée au JO Assemblée Nationale, du 4 novembre 2002 p.4048). Cette solution présente néanmoins des inconvénients et une solution alternative, à la fois pratique et s’efforçant de respecter les principes de d’exclusivité et de spécialité régissant les communes et l’intercommunalité, peut être envisagée. Elle consiste en ce que ces biens soient préalablement intégrés en totalité dans le patrimoine de la commune ou de l’EPCI compétent en matière de voirie et soient ensuite remis en gestion aux autres personnes publiques compétentes.
L'intégration des équipements par chacune des personnes publiques compétentes
Dans cette hypothèse, il revient à chacune des personnes publiques compétentes de statuer sur le transfert des biens (voies, réseaux et équipements communs) qui se rattachent à leurs attributions respectives et de les intégrer directement dans leur patrimoine.
Chacune d’entre elles doit alors passer, avec le propriétaire des biens (lotisseur, association syndicale ou colotis), un acte notarié publié aux hypothèques (à tout le moins pour les biens immobiliers comme les voies ou les espaces verts) et, s’il s’agit d’une voie relevant de la catégorie des voies communales, la classer dans son domaine public.
Cette solution respecte les principes de spécialité et d’exclusivité régissant l’intercommunalité mais elle présente deux inconvénients :
- Elle est tenue en échec en cas de refus de la part de l'une des personnes publiques compétentes d'intégrer les équipements relevant de ses attributions. Pour prévenir cet écueil, il est indispensable que l’assemblée délibérante de chaque personne publique s'engage expressément à acquérir la partie des équipements qu’elle a vocation à gérer. Un tel engagement constituera une décision créatrice de droits au profit des propriétaires qui ont demandé le transfert sur laquelle il n'est, en principe, plus possible de revenir, sauf si elle s'avère illégale, auquel cas elle peut être retirée dans un délai de quatre mois.
- Par ailleurs, une des difficultés liées à cette solution tient au fait que, sauf titre contraire, les équipements implantés dans le sous-sol de la voie en sont indissociables. En effet, suivant le principe de l’article 552 du code civil, la propriété du sol emporte la propriété de dessous et de dessus. Cet article institue une présomption légale de propriété du sous-sol et des constructions édifiées au profit du propriétaire du sol, présomption qui est toutefois susceptible d’être combattue par un titre contraire. Sur le fondement de ce principe civiliste, la jurisprudence administrative a considéré que le sous-sol d’une voie publique est soumis aux mêmes règles que cette dernière et appartient par présomption légale à la collectivité territoriale propriétaire de la voie[8].
Cette situation peut poser difficulté, si la collectivité compétente pour la voirie ne l’est pas pour les réseaux qui y sont incorporées dessous. Il est alors nécessaire de procéder à des divisions en volumes[9] pour isoler les réseaux afin que les autres personnes publiques compétentes puissent directement les acquérir en pleine propriété. A défaut, la publicité foncière pourrait être refusée à un acte unique et global d’acquisition portant sur la voirie et les réseaux (non dissociés) signé par les diverses collectivités compétentes.
L'intégration des équipements par la commune ou l’EPCI compétent en matière de voirie
Cette solution alternative a été admise par la jurisprudence, au bénéfice de la commune, dans le cadre de la procédure de transfert d’office[10] sans qu’elle contrevienne aux principes de dessaisissement et de spécialité sous réserve que l’intégration de l'ensemble des biens concernés (voies, réseaux et équipements communs) dans le patrimoine communal soit, pour les biens qu’elle n’a pas vocation à gérer, suivie d’une remise en gestion aux autres personnes publiques compétentes.
Elle n’a pas été expressément consacrée par le juge ou la doctrine ministérielle pour un EPCI. A tout le moins, peut-on s’appuyer sur la doctrine ministérielle qui précise qu’un EPCI compétent en matière de zones d’activités peut, dans le cadre de la création d’une telle zone aménager les équipements et les réseaux qui s’y rattachent, gérer ceux qui relèvent de ses compétences statutaires et, pour ceux qui n’en relèvent pas, les remettre en gestion aux personnes publiques compétentes (RM à QE n° 03736 JO Sénat du 17/01/2019 - page 272). Cette réponse admet que des biens qu’un EPCI n’a pas vocation pour gérer puissent préalablement transiter dans son patrimoine avant d’être remis en gestion aux personnes publiques compétentes.
Dans l’un ou l’autre cas, le transfert de propriété fait alors l'objet d'un seul acte authentique de mutation au bénéfice de la commune ou de l’EPCI établi, soit par notaire, soit en la forme administrative et publié au service de la publicité foncière. Ce transfert est suivi d’une remise en gestion aux personnes publiques compétentes des biens que la commune ou l’EPCI n’ont pas vocation à gérer. A cet effet et c’est un point à évoquer avec le notaire, l’acte d’acquisition peut, en particulier pour la voirie, répertorier en annexe l’ensemble des réseaux qui y sont incorporés et qui devront faire l’objet d’une cession ultérieure par la collectivité qui les a acquis.
La remise en gestion a lieu selon les modalités précisées au § 4 ci-après
On peut néanmoins observer que le choix d’une intégration de l’ensemble des équipements communs du lotissement par l’EPCI compétent en matière de voirie parait préférable à une intégration par la commune dans la mesure où la doctrine ministérielle parait consacrer la compétence de l’EPCI pour l’ensemble des procédures sus-évoquées au détriment de la commune. A cette considération, s’ajoutent deux raisons pratiques :
- Si la commune procède à cette intégration, elle devra ensuite rétrocéder la voirie à l’EPCI compétent par un 2nd acte notarié ou administratif ;
- Elle ne pourra, à cette occasion, délivrer les titres d’occupation au bénéfice des personnes publiques gestionnaires des réseaux (eaux, assainissement …) implantés dans l’emprise de la voirie puisque cette compétence appartient à l’EPCI.
La remise en gestion des biens aux collectivités compétentes
Pour toutes les procédures précédemment exposées, il est nécessaire d’obtenir l’accord préalable des personnes publiques compétentes car la commune et l’EPCI n’ont pas vocation à reprendre des ouvrages pour la gestion desquels ils sont dépossédés de toute compétence. C’est pourquoi il est indispensable qu’ils obtiennent, de la part de ces personnes publiques, l’engagement formel (de préférence formalisé par une délibération) d’assurer la gestion subséquente des ouvrages [11].
La remise en gestion devra consister en une rétrocession en pleine propriété puisque, ni l’EPCI, ni la commune n’ont vocation à conserver dans leur patrimoine des biens affectés à des compétences qu’ils ne possèdent pas.
Pour les biens repris par la commune ou l’EPCI qui sont rangés dans le domaine public parce qu’affectés à l’utilité publique (ex : voirie, réseaux, éclairage …), le transfert de propriété s’effectue sur le fondement de l’article L 3112-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) selon lequel « Les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1, qui relèvent de leur domaine public, peuvent être cédés à l'amiable, sans déclassement préalable, entre ces personnes publiques, lorsqu'ils sont destinés à l'exercice des compétences de la personne publique qui les acquiert et relèveront de son domaine public ».
Pour les autres biens repris qui sont rangés dans le domaine privé parce que non affectés à l’utilité publique (ex : un simple espace vert non aménagé), le transfert de propriété s’effectue par un contrat de droit privé régi par le code civil.
La rétrocession doit, pour un bien immobilier (voie, terrain …) faire l’objet d’un acte authentique établi, soit par notaire, soit en la forme administrative et publié au service de la publicité foncière. Pour les biens mobiliers (réseaux …) un acte sous seing-privé est suffisant.
A noter que dans le cas d’une acquisition par la commune, elle ne pourra, alternativement à la rétrocession, opérer une mise à disposition de plein droit des biens au bénéfice d’un ou de plusieurs EPCI compétents dont elle membre sur le fondement de l’article L 1321-1 CGCT. Cet article ne vise en effet que les biens meubles et immeubles affectés à l'exercice d’une compétence transférée à la date du transfert. Autrement dit, la mise à disposition de plein droit doit être concomitante à un transfert de compétence. Tel n’est pas le cas des biens communs d’un lotissement privé repris par la commune postérieurement à un transfert de compétences.
Il est indispensable que la personne publique compétente à l’égard d’un bien en soit propriétaire pour bénéficier du FCTVA à l’occasion des travaux d’aménagement réalisés sur ce bien. Elle n’est pas éligible à ce fonds si elle n’est que « locataire » ou bénéficiaire d’une mise à disposition conventionnelle du bien.
La rétrocession au bénéfice de la personne publique compétente peut s’accompagner de la délivrance des titres d’occupation nécessaires, notamment pour les réseaux d’eaux et d’assainissement implantés dans l’emprise d’une voie publique. C’est l’autorité gestionnaire de la voie (la, plupart du temps un EPCI à fiscalité propre) qui est compétente pour délivrer un tel titre d’occupation puisqu’il comporte emprise au sol.
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[1] A l’inverse pour la reconnaissance de l’ouverture à la circulation publique d’une voie urbaine en impasse desservant plusieurs propriétés, V. CE, 14 Février 1996, M. et Mme Bertrand, n° 150932
[2] Dans cette hypothèse, le lotisseur est exonéré de l’obligation de s’engager à constituer une association syndicale libre (« ASL ») dès lors que le transfert concerne la totalité de ces voies, espaces et équipements. Si tel n’est pas le cas, il devra quand même créer une ASL qui gérera tout ce qui n’est pas repris par la commune.
[3] Une indemnisation est envisageable dans le cas exceptionnel où le transfert de propriété sur le fondement de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme entraînerait pour le propriétaire une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l’objectif d’intérêt général poursuivi : Conseil Constitutionnel, décision n°2010-43 QPC du 6 octobre 2010.
[4] La division en volumes est une technique juridique qui consiste à diviser la propriété d'un immeuble en fractions privatives distinctes, sur le plan horizontal ou vertical, à des niveaux différents qui peuvent se situer au-dessus ou en dessous du sol naturel, sans qu'il y ait de parties communes.
[5] En effet, l'article R. 442-8 du code de l’urbanisme prévoit la possibilité, pour le lotisseur, de déroger à l’obligation de constituer une association syndicale lorsque les voies et espaces communs sont destinés à être attribués en propriété indivise aux acquéreurs de lots. Les voies et espaces communs sont alors régis par le statut de la copropriété en application de l'article 1er de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (Rép. min. QE n°87235, JOAN du 15 mars 2011).
[6] La décision d’accepter le transfert de propriété constitue en effet une décision créatrice de droits qu’elle ne peut plus retirer en dehors des exceptions légales (CE, 13 mai 1988, n°68550). La cession peut donc être considérée comme parfaite dès lors que la collectivité a délibéré en ce sens et que les colotis ou l’ASL en ont décidé de même (cf. en sens inverse, à propos du caractère parfait de la vente d’un bien communal dès la délibération du conseil municipal CE 15 mars 2017, Sté Bowling du Hainaut, n° 393407).
[7] Pour rappel, les réseaux d’eau et d’assainissement implantés dans l’emprise des voies ainsi que les autres ouvrages et équipements communs sont exclus du transfert d’office
[8] CE 15 juillet 1957 Dayre
[9] Voir supra note 4
[10] CAA Marseille, 1er décembre 2015, n°14MA01791.
[11] Par analogie CAA Bordeaux, 5 mars 2009, commune de Labéjean, n°07BX02405 : le déclassement d’une voie communale mise à disposition d’un groupement intercommunal est subordonné à la constatation préalable de sa désaffectation, par l’assemblée délibérante de ce groupement intercommunal.
Nous vous rappelons que HGI-ATD ne répond qu'aux sollicitations de ses adhérents. Toute demande de documentation, conseil ou assistance ne respectant pas cette condition ne pourra aboutir.