L’impact de la loi ELAN sur la maitrise foncière, l’aménagement et le financement (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique)
La loi ELAN a été publiée au journal officiel le 24 novembre 2018. La plupart des mesures qu’elle comprend sont d’application immédiate, certaines étant toutefois conditionnées à la publication d’un décret ou d’une ordonnance.
Compte tenu du nombre d’articles de la loi (234) qui impactent de nombreux domaines et codes, les fiches techniques réalisées par le service urbanisme de l’ATD sont réparties sur les numéros de décembre 2018 et janvier 2019 d’ATD Actualité.
De nouveaux outils d’aménagement (article 1 de la loi)
Afin d’accélérer et faciliter les opérations d’aménagement d’envergure, la loi crée deux nouveaux outils d’aménagement qui se complètent : le Projet Partenarial d’Aménagement (PPA) (articles nouveaux L.312-1 et L.312-2 du code de l’urbanisme) et la Grande Opération d’Urbanisme (GOU) (articles L.312-3 à L.312-7 nouveaux du code de l’urbanisme) :
- Nouveau type de contrat à l’échelon local, le PPA est conclu entre l’Etat d’une part, et un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) d’autre part, dans le but d’acter les engagements réciproques de chacun sur un programme d’aménagement et sur les moyens financiers pour le réaliser.
- Si elles en font la demande, le contrat doit être co-signé par une ou plusieurs communes membres de l’EPCI signataire du PPA.
- Le contrat de PPA peut aussi prévoir la signature d’autres collectivités territoriales ou d’établissements publics intéressés sur leur demande, ainsi qu’une société publique locale, une société d’économie mixte, une personne publique ou un acteur privé (propriétaire foncier, opérateur, …), implantés dans le périmètre territorial et susceptibles de prendre part à la réalisation des opérations prévues dans le contrat.
- Les communes concernées sont associées à l’élaboration du contrat de PPA.
- Lorsqu’un PPA est conclu, l’Etat peut céder en bloc et à l’amiable à l’EPCI partenaire ou à son opérateur les propriétés de son domaine privé pour la réalisation des opérations d’aménagement prévues par le contrat.
Selon l’étude d’impact de la loi, les PPA ne concerneront que les opérations de grande ampleur nécessitant de mobiliser des moyens importants pendant plusieurs décennies. A ce jour, 85 projets pouvant faire l’objet d’un PPA ont déjà été identifiés sur tout le territoire national par le ministère de la Cohésion des Territoires : friches industrielles, zones d’activités incorporées dans le tissu urbain demandant une relocalisation en périphérie, structures urbaines inadaptées aux besoins actuels…, les secteurs étant souvent affectés par des pollutions des sols et par des infrastructures à reprendre.
- La GOU s’inscrit obligatoirement dans un PPA et qualifie une opération d’aménagement dont la réalisation, en raison de ses dimensions ou de ses caractéristiques, requiert un engagement conjoint spécifique de l’Etat et de l’EPCI co-contractant du PPA, entrainant une adaptation du régime juridique existant.
- C’est l’organe délibérant de l’EPCI qui crée la GOU, en fixe la durée et le périmètre, après avis conforme, dans un délai de trois mois, des communes dont le territoire est inclus en tout ou partie dans le périmètre de l’opération, et avec l’accord du préfet.
- A l’intérieur du périmètre de la GOU, la compétence de la délivrance des autorisations d’urbanisme est transférée par la loi au président de l’EPCI.
- De plus, l’EPCI devient compétent pour la réalisation, la construction, l’adaptation, la gestion et la maitrise d’ouvrage des équipements publics relevant de la compétence de la commune d’implantation et nécessaires à la GOU.
- D’un point de vue financier, c’est l’EPCI qui peut conclure une ou plusieurs conventions de Projet Urbain Partenarial (PUP) et adopter des périmètres de PUP « forcés » pour le financement des équipements publics.
- Concernant la maitrise foncière, l’acte décidant la qualification de GOU peut délimiter sur tout ou partie de son périmètre une Zone d’Aménagement Différé, dont le droit de préemption peut s’exercer pour une période de dix ans, renouvelable une fois (au lieu de six ans pour le droit commun). De plus, l’Etat peut céder à l’amiable et en bloc les terrains bâtis ou non bâtis de son domaine privé pour la réalisation de la GOU.
- Pour le volet planification, la GOU rend possible la mise en compatibilité d’un schéma de cohérence territoriale, d’un plan local d’urbanisme, voire d’une norme supérieure, dans le cadre de la procédure intégrée (la PIGOU).
- Enfin, le permis d’innover introduit par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine est étendu aux GOU, ce qui permet aux maitres d’ouvrage ou constructeurs de déroger aux règles applicables à leurs projets dans la mesure où ils atteignent des résultats similaires à ceux visés par les règles.
En résumé, la GOU assure donc à l’intercommunalité signataire du PPA la maitrise complète de l’opération et la dote des principaux outils nécessaires à la réalisation d’une ou plusieurs opérations d’aménagement d’envergure.
Dynamisation de la Zone d’Aménagement Concertée (ZAC)
La loi prévoit un certain nombre de corrections ou simplifications permettant de dynamiser la procédure de ZAC dans son volet opérationnel :
- Création d’une Orientation d’Aménagement et de Programmation dans le Plan Local d’Urbanisme (PLU) emportant création de la ZAC lorsque la collectivité a la double compétence en matière de PLU et de création de la ZAC (voir le chapitre planification de la présente fiche) ;
- Evolution en matière de création de ZAC (article 9 de la loi)
- L’autorité compétente en matière de PLU peut dorénavant créer des « OAP de secteur d’aménagement valant création d’une zone d’aménagement concerté », soit dans le cadre d’une procédure de révision de PLU soit dans le cadre d’une procédure de révision « allégée » du PLU, à condition qu’il ne soit pas porté atteinte au Projet d’Aménagement et de Développement Durables (PADD).
Dans ce cadre, la délibération approuvant le PLU peut valoir acte de création de la ZAC, selon des conditions qui seront définies ultérieurement par décret.
Ces OAP valant création de ZAC peuvent définir :
- la localisation et les caractéristiques des espaces publics à conserver, à modifier ou à créer ;
- la localisation prévue pour les principaux ouvrages publics, les installations d’intérêt général et les espaces verts.
- La possibilité de conduire simultanément la concertation obligatoire pour les projets situés dans une ZAC et la concertation préalable à la création de la ZAC (articles modifiés L.121-15-1 du code de l’environnement et L.300-2 du code de l’urbanisme) ;
- Le sursis à statuer sur les autorisations d’urbanisme désormais possible dès la création de la ZAC (article L.311-2 du code de l’urbanisme) ;
- Le versement direct du constructeur à l’aménageur, ou à la collectivité ayant créé la ZAC, de sa participation au coût des équipements publics de la ZAC dans le cas des terrains non acquis auprès de l’aménageur (ZAC à maitrise foncière partielle prévue à l’article modifié L.311-4 du code de l’urbanisme). Ce versement direct à l’aménageur évite d’obliger la collectivité à faire du portage financier (encaissement puis reversement de la participation) ;
- Caractère désormais facultatif de l’approbation du cahier des charges de cession des terrains (CCCT) par l’autorité compétente de la création de la ZAC. Toutefois, s’il est approuvé, les prescriptions relatives à la surface de plancher autorisée et ses exigences techniques, urbanistiques et architecturales deviennent alors opposables aux demandes d’autorisation d’urbanisme dans la mesure où le CCCT a fait l’objet de mesures de publicité à définir en fonction d’un décret à venir (article L.311-6 modifié du code de l’urbanisme) ;
- Ouverture au concessionnaire d’une opération d’aménagement de la maitrise d’ouvrage non seulement des travaux et équipements mais aussi des bâtiments concourant à l’opération, par dérogation à la loi du 12 juillet 1985 relative à la maitrise d’ouvrage publique dite loi MOP (article L.300-4 modifié du code de l’urbanisme).
L’adaptation d’outils existants
- Simplification de la procédure de participation du public (article 6 de la loi)
La loi ajoute une nouvelle disposition à l’article L.2122-22 du code général des collectivités territoriales permettant au conseil municipal de déléguer au maire sa compétence relative à l’ouverture et l’organisation de la mise à disposition du public par voie électronique des études d’impact.
- Clarification du mandat d’aménagement (article 15 de la loi)
Réintroduit par la loi pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové du 24 mars 2014, le mandat d’aménagement permet à une collectivité de confier à un tiers la réalisation d’une opération d’aménagement sans passer par la procédure de la concession d’aménagement. Il est resté toutefois peu utilisé pour un problème de rédaction de l’article L.300-3 du code de l’urbanisme. La loi ELAN vient clarifier le texte et donne le droit à l’Etat ou une collectivité de confier à une personne publique ou une personne privée le droit d’exercer une ou plusieurs des missions suivantes :
- réaliser certaines études, notamment les études préalables nécessaires à une opération d’aménagement,
- réaliser des travaux et la construction d’ouvrages et de bâtiments de toute nature, à l’exception des cas où une personne publique serait destinataire immédiate du bien immobilier et que celui-ci aurait été élaboré selon ses besoins (loi MOP),
- acheter et revendre des biens fonciers ou immobiliers.
- Versement direct de la participation de PUP aux maitres d’ouvrages des équipements publics (article 17 de la loi)
La commune ou l’EPCI compétent en PLU n’étant pas toujours maître d’ouvrage des équipements publics à réaliser, la loi ELAN confirme que, dans ce cas, la convention de projet urbain partenarial (PUP) peut prévoir un versement direct de la contribution financière à la personne publique en assurant la maîtrise d’ouvrage. Cette dernière aura ainsi plus de garanties quant au versement des fonds, qui sera plus facile et rapide ne nécessitant pas de convention de reversement entre la commune ou l’EPCI compétent en PLU et la maîtrise d’ouvrage (article modifié L.332-11-3 - III du code de l’urbanisme).
- Elargissement des possibilités d’exercice du Droit de Préemption Urbain (DPU) (article 25-II et III de la loi)
- Dans le cas d’une opération d’aménagement où les travaux nécessitent l’éviction des occupants, le DPU pourra être exercé en vue de la relocalisation d’activités industrielles, commerciales, artisanales ou de services ainsi que pour le relogement d’occupants définitivement évincés d’un bien à usage d’habitation ou mixte (article modifié L.211-1 du code de l’urbanisme).
- La condition que l'aliénation porte sur un des biens ou des droits affectés au logement pour pouvoir déléguer le DPU aux organismes de construction et de gestion de logements sociaux (ceux mentionnés aux articles L.365-2, L.411-2 et L.481-1 du code de la construction et de l’habitation) est supprimée. Il sera donc possible aux communes ou EPCI de solliciter ces organismes pour préempter par délégation des terrains ou des locaux ayant actuellement une autre vocation, bureaux ou commerces par exemple, et les transformer en logements (article modifié L.211-2 du code de l’urbanisme).
- Transfert d’office des voies dans les zones d’activités (article 26 de la loi)
Le dispositif existant pour les ensembles d’habitations est élargi aux zones d’activités ou commerciales afin de faciliter les projets d’évolution et de densification de ces zones. Les voies privées ouvertes à la circulation publique pourront être transférées d’office sans indemnité dans le domaine public de la commune, après enquête publique réalisée conformément aux dispositions du code des relations entre le public et l'administration (article modifié L.318-3 du code de l’urbanisme).
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