Le régime applicable aux occupations sans titre du domaine public routier communal
Article
Le domaine public routier communal comprend l’ensemble des biens appartenant à la commune qui sont affectés aux besoins de la circulation terrestre (article L.111-1 du Code de la Voirie Routière - CVR). La voirie routière ne se limite toutefois pas à l’assiette de la route ; y sont également inclus les accessoires indissociables de la voie publique dès lors qu’ils présentent un lien physique avec cette voie (article L.2111-2 du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques – CGPPP). Les dépendances du domaine public routier recouvrent ainsi tous les éléments autres que la chaussée nécessaire à la conservation et à l’exploitation de la route ainsi qu’à la sécurité des usagers (TA de Clermont-Ferrand, 2 déc.1960, Toupel c/Maire de Mauriac).
Toute occupation sans titre du domaine public routier constitue une infraction à la police de la conservation du domaine public routier communal en tant que contravention de voirie routière, sanctionnée par une amende infligée par le juge pénal.
Dans ce cas, l’autorité compétente en matière de police de la conservation du domaine public routier a l’obligation d’agir.
- L’obligation de poursuivre les infractions à la police de la conservation du domaine public routier
- L’autorité compétente pour constater l’infraction au domaine public routier
- La procédure à suivre pour faire cesser les occupations sans titre
- La délivrance éventuelle de titres d’occupation postérieurement aux poursuites
L’obligation de poursuivre les infractions à la police de la conservation du domaine public routier
L’occupation d’une dépendance du domaine public routier est subordonnée à l’octroi préalable d’une autorisation par l’autorité administrative gestionnaire. Cette autorisation revêt le caractère d’un permis de stationnement en l’absence d’emprise, ou d’une permission de voirie dans le cas contraire (article L.113-2 du code de la voirie routière - CVR).
En l’absence d’autorisation d’occupation délivrée par l’administration gestionnaire, l’occupation privative du domaine public routier et de ses accessoires constitue un empiètement irrégulier.
Sont par exemple qualifiés d’empiètements irréguliers la clôture implantée sans autorisation sur le domaine public routier (CAA de Lyon, 26 juin 2001, n° 97LY00875) et le mur et le portail construits par un riverain sur une voie communale (Cass. Crim, 8 octobre 1997, n° 96-85.185).
Dès lors qu’ils occupent sans autorisation des dépendances du domaine public routier, les empiètements constituent des infractions à la police de la conservation du domaine public routier, sanctionnés par l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe (article R. 116-2 du CVR).
Il en est de même pour les dépôts effectués sur les dépendances du domaine public routier « sans autorisation préalable et de façon non conforme à la destination du domaine public routier » (article R.116-2, alinéa 3 du CVR).
Or, lorsqu’il est compétent en matière de police de la conservation du domaine public routier, le maire a obligation d’user de ses pouvoirs de police pour faire cesser une occupation irrégulière, sauf s’il peut justifier de nécessités d’intérêt général faisant obstacle à la mise en œuvre de la procédure de contravention (CE, 21 novembre 2011, n° 311941, Commune de Plonéour-Lanvern - CAA de Nantes, 24 juillet 2015, n° 13NT01267).
Le refus du maire d’agir en matière de contravention est illégal et constitue une faute susceptible d’engager la responsabilité de la commune pour carence fautive, à moins pour la collectivité propriétaire de justifier son inaction par les « autres intérêts généraux dont elle a la charge et, notamment, [par] les nécessités de l’ordre public » (CE, 21 novembre 2011, précité).
L’autorité compétente pour constater l’infraction au domaine public routier
Par principe, l’autorité administrative en charge de la police de la conservation du domaine public routier est le maire.
Cependant, la police de la conservation est exercée par l’affectataire de la voie lorsque celui-ci se distingue du propriétaire, notamment lorsque la compétence en matière de création, d’aménagement et d’entretien de la voirie a été transférée à un établissement public de coopération intercommunale (CE, 15 février 1980, n° 08596, Association pour la protection du site du Vieux-Pornichet). Aussi, lorsqu’un empiètement est constaté sur une voie communale reconnue d’intérêt communautaire, l’autorité compétente pour constater les contraventions de voirie est le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent.
A l’inverse, un empiètement constaté sur une voie communale n’ayant pas été reconnue d’intérêt communautaire relèvera toujours de la compétence du maire.
La procédure à suivre pour faire cesser les occupations sans titre
En termes de procédure, le maire peut dans un premier temps mettre en demeure les occupants sans titre de démolir les empiètements et retirer les dépôts irréguliers afin de remettre en état le domaine public occupé, ceci dans un certain délai (CE, 17 janvier 2011, n° 312310, Commune de Clavans en Haut-Oisans et CAA de Bordeaux, 19 juin 2008, n° 06BX01740).
Si cette mise en demeure reste sans effet dans le délai imparti, le maire est alors dans l’obligation d’engager des poursuites à l’encontre des contrevenants pour faire cesser l’occupation irrégulière (CE, 21 novembre 2011, précité et CAA de Nantes, 24 juillet 2015, n° 13NT01267).
En effet, la commune ne peut pas agir par elle-même en vue d’ôter les ouvrages édifiés illégalement, le recours à l’exécution forcée n’étant légal que dans des circonstances exceptionnelles tenant à l’urgence née d’un péril imminent ou de cas d’absolue nécessité (CE, 20 juin 1980, Commune d’Ax-les-Termes, n° 04592).
Par principe, le juge judiciaire reste seul compétent pour réprimer les infractions à la police de la conservation du domaine public routier dans le cadre de l’action pénale, mais aussi pour ordonner la remise en état des dépendances occupées dans le cadre de l’action civile, soit sous la forme de dommages-intérêts alloués au titre des coûts de réfection et des mesures nécessaires à la remise en état des lieux, soit sous la forme d’une réparation en nature. Dans ce dernier cas, le juge ordonne la remise en état des lieux sous astreinte par la destruction des ouvrages et le retrait des dépôts effectués (article L.116-1 du CVR art. L.2132-1 du CGPPP).
L'action civile en réparation de l'atteinte au domaine public routier est normalement jointe à l'action publique portée devant le juge pénal, mais elle peut aussi être exercée directement devant le juge civil, c'est-à-dire devant le tribunal judiciaire, dans le cas où l’action pénale s’avère prescrite.
En effet, l’action pénale se prescrit par une année révolue à compter du jour où l’infraction a été commise (article 9 du code de procédure pénale), tandis que l’action civile est imprescriptible (article L.116-6 du code de la voirie routière). Ainsi, lorsque l’action pénale est prescrite, l’action civile peut toujours être engagée séparément et sans délai.
Dans ce cadre, le maire devra faire dresser un procès-verbal constatant chaque infraction à la conservation du domaine public routier par un agent de gendarmerie ou par un agent de police municipale (article L.116-2 du code de la voirie routière), y compris pour les infractions qui lui paraissent prescrites sur le plan pénal en raison de l’ancienneté de l’occupation irrégulière (supérieure à un an).
Les procès-verbaux ainsi dressés doivent être transmis au Procureur de la République qui décide des suites à donner.
Si l’action pénale n’est pas prescrite, le contrevenant est alors poursuivi pénalement devant le tribunal de police et condamné à l’amende prévue pour les contraventions de cinquième classe, d’un montant de 1 500 euros. Cette amende peut s’accompagner de sanctions civiles, également prononcées par le tribunal de police, telles que l’obligation de remise en état des lieux demandée par la commune, éventuellement sous astreinte. Des dommages et intérêts peuvent également être versés à la commune, à sa demande, en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte portée au domaine public routier (article 3 du code de procédure pénale).
Si l’action pénale est prescrite, le maire reste tenu d’agir et d’engager des poursuites civiles pour obtenir l’expulsion de l’occupant sans titre du domaine public routier et la remise en état des lieux, à moins que ce dernier n’y ait procédé par lui-même après mise en demeure (voir supra).
Afin de se faire assister, le cas échéant, dans l’ensemble de la procédure judiciaire, il est vivement recommandé de recourir aux services d’un avocat.
A noter enfin que le gestionnaire du domaine public est fondé à réclamer à l’occupant sans titre une indemnité compensant les revenus qu'il aurait pu percevoir d'un occupant régulier au cours de la période d’occupation sans titre. A cet effet, la commune peut légalement émettre un titre de recettes pour recouvrir cette indemnité dès lors que la créance constatée par le titre trouve notamment son fondement dans les dispositions d’une loi, d’un règlement, ou d’une décision de justice (CE, 29 juin 2005, n° 265958, Commune de Saint-Clément de Rivière).
Ce titre doit être émis dans les formes prévues à l’article L.1617-5 du code général des collectivités territoriales. En outre, l’estimation du montant de l’indemnité due par l’occupant irrégulier doit être effectuée « par référence au montant de la redevance exigible, selon le cas, pour un emplacement similaire ou pour une utilisation procurant des avantages similaires » (CAA de Nantes, 26 mai 2021, 20NT01186).
La délivrance éventuelle de titres d’occupation postérieurement aux poursuites
Pour rappel, l’occupation du domaine public est conditionnée à la délivrance d’un titre d’occupation par l’autorité gestionnaire du domaine, en contrepartie d’une redevance (art. L.2122-1 et L.2125-1 du CGPPP).
Le titre d’occupation privatif ainsi délivré doit être compatible avec la destination du domaine (CAA de Nancy, 5 novembre 2009, n° 09NC00181).
En outre, en vertu de ses pouvoirs de police administrative générale, le maire doit garantir la sécurité publique et notamment assurer « tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues […], places et voies publiques » (article L.2212-2 du CGCT). Dès lors, une autorisation d’occupation constitutive d’un danger pour la circulation des véhicules et des piétons est illégale (CAA de Paris, 18 janvier 2007, Gouvernement du territoire de la Polynésie française, n° 03PA02660).
En ce qui concerne plus précisément l’occupation de dépendances du domaine public routier, il est impératif que les titres délivrés permettent l’accessibilité aux trottoirs pour garantir la sécurité des piétons et permettre leur circulation.
Aussi, l’autorité gestionnaire du domaine pourra délivrer un tel titre d’occupation à la demande des administrés une fois l’occupation sans titre interrompue, à condition que l’occupation projetée respecte les exigences en matière de sécurité et sous réserve du paiement d’une redevance.
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