Quel est le rôle du maire en présence de nuisances causées par un élevage familial implante en zone urbanisée ?
Les communes sont de plus en plus confrontées à des plaintes d’administrés qui se disent gênés par la présence d’élevages d’animaux (volailles, lapins, moutons) sur le terrain de leurs voisins.
Cette situation conduit les collectivités concernées à s’interroger sur la possibilité pour les habitants d’installer leur élevage sur un terrain situé dans une zone pavillonnaire et, dans l’affirmative, sur la réglementation applicable.
Ensuite, compte tenu de la gêne occasionnée aux voisins de ces administrés « éleveurs », se pose également la question de l’intervention du maire et des pouvoirs dont il dispose en la matière.
Ce Conseil en diagonale fait le point sur cette question récurrente.
Sur la réglementation applicable aux élevages situés en zone d’habitations
Les élevages sont, selon leur capacité et les espèces animales élevées, soumis soit aux prescriptions du Règlement sanitaire départemental (RSD), soit à la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement1].
Lorsqu’ils sont soumis aux dispositions du RSD, ces installations doivent respecter certaines règles en termes d’installation, de fonctionnement et d’entretien de l’installation.
Sur l’implantation des élevages
L'implantation d'un local abritant un élevage doit d’abord être conforme aux règles d'urbanisme et le cas échéant, au cahier des charges du lotissement si l’installation est située dans ce type de zone.
Il doit ensuite respecter les prescriptions prévues par le RSD. Ainsi, selon l’article 153-4, « sans préjudice des documents d’urbanisme existants dans la commune ou de cahier des charges de lotissement, l’implantation de bâtiments renfermant des animaux doit respecter les règles suivantes » :
- Les élevages, à l’exception des élevages de type familial et de ceux de volailles et de lapins, ne peuvent être implantés à moins de 50 mètres des immeubles habités ou occupés habituellement par des tiers, des zones de loisirs et de tout établissement recevant du public (ERP) à l’exception des installations de camping à la ferme.
- Les élevages de volailles et lapins doivent être placés à plus de 25 mètres des habitations pour les élevages renfermant plus de 10 animaux de plus de 30 jours, et à plus de 50 mètres pour les élevages renfermant plus de 500 animaux de plus de 30 jours, des immeubles habités ou occupés habituellement par des tiers, des zones de loisirs et de tout ERP à l’exception des installations de camping à la ferme.
- Les élevages de type familial ne sont soumis à aucune prescription quant à leur implantation à proximité d’habitations ou d’immeubles habituellement occupés par des tiers.
On entend par élevage familial toute production destinée à une consommation strictement familiale dans le cas des lapins, volailles, porcins, ovins et caprins, ou, à l’agrément de la famille.
Un élevage qualifié de familial ne sera soumis à aucune contrainte[2] quant à son implantation.
Dans le cas contraire, il devra respecter les distances d’implantation posées par le RSD, à savoir :
- 25 mètres des habitations pour ce qui concerne les volailles et les lapins ;
- 50 mètres pour les moutons.
Dans un cas comme dans l’autre, le propriétaire devra respecter certaines obligations.
Sur le respect des règles en matière de fonctionnement et d’entretien
Le RSD impose au propriétaire d’un élevage de respecter un certain nombre d’obligations, en particulier celles prévues par les articles suivants :
- « Article 26 - Présence d'animaux dans les habitations, leurs dépendances, leurs abords et les locaux communs. Sans préjudice de l'application de la réglementation en vigueur, il est interdit d'élever et d'entretenir dans l'intérieur des habitations, leurs dépendances et leurs abords, et de laisser stationner dans les locaux communs des animaux de toutes espèces dont le nombre ou le comportement ou l'état de santé pourraient porter atteinte à la sécurité ou à la salubrité des habitations ou de leur voisinage (…). Sans préjudice des dispositions réglementaires les concernant, les installations renfermant des animaux vivants, notamment les clapiers, poulaillers et pigeonniers, doivent être maintenus constamment en bon état de propreté et d'entretien. Ils sont désinfectés et désinsectisés aussi souvent qu'il est nécessaire ; les fumiers doivent être évacués en tant que de besoin pour ne pas ne pas incommoder le voisinage ».
- « Article 153-3 - Protection du voisinage. La conception et le fonctionnement des établissements d'élevage ne doivent pas constituer une nuisance excessive et présentant un caractère permanent pour le voisinage.Les gérants et propriétaires, les usagers et occupants habituels ou occasionnels des immeubles, des zones de loisirs et de tout établissement recevant du public, ne peuvent se prévaloir des éventuels inconvénients (bruits, odeurs) occasionnés au voisinage des établissements d'élevage, dès lors que ceux-ci sont implantés, aménagés et exploités conformément au présent règlement ainsi qu'à toutes les réglementations en vigueur si rapportant ».
- « Article 154-1 - Construction et aménagement des logements d'animaux.Tous les locaux destinés au logement, même temporaire, des animaux, sont efficacement ventilés (…) ».
- « Article 154-2 - Entretien et fonctionnement. Toutes les parties des établissements et des installations sont maintenues en bon état de propreté et d'entretien. Des précautions sont prises, pour assurer l'hygiène générale des locaux et en particulier éviter la pullulation des mouches et autres insectes, ainsi que celle des rongeurs. A cet effet, les installations feront l'objet de traitements effectués, en tant que de besoin, avec des produits homologués ».
- « Article 155 - Evacuation et stockage de fumiers et autres déjections solides. Les litières provenant des logements d'animaux sont évacuées aussi souvent qu'il est nécessaire. Les dépôts permanents ou temporaires de ces matières ne doivent pas entraîner une pollution des ressources en eau.
Le maire doit intervenir si l’éleveur contrevient aux dispositions du RSD. Il en sera de même si la présence de l’élevage nuit à la tranquillité publique et constitue un trouble anormal du voisinage.
En revanche, si l’élevage est implanté, aménagé et exploité conformément aux dispositions du RSD et à toutes les réglementations s’y rapportant, le voisin de l’élevage ne pourra se prévaloir des nuisances occasionnées par l’installation (cf. supra article 153-3 alinéa 2 du RSD).
Sur les moyens du maire pour faire cesser les nuisances
L’article L.2212-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) impose au maire d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques sur le territoire de sa commune, et lui confie notamment le soin de :
- « réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que (…) les bruits, les troubles de voisinage, (…) qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique » (article L.2212-2 2°) ;
- « prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, (…) les pollutions de toute nature, tels que (…) les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure » (article L.2212-2 5°).
Parallèlement à ces pouvoirs de police générale, le maire doit, au titre des pouvoirs de police spéciale définis dans le code de la santé publique (CSP), assurer la protection de la santé et de la tranquillité publiques sur le territoire de sa commune (articles L.1311-1 et L.1311-2).
En ce qui concerne les atteintes à la salubrité publique
Il appartient au maire[3] de faire respecter les dispositions du RSD établi par le préfet et d'adresser, en tant que de besoin, des injonctions aux particuliers ne se conformant pas aux dispositions de ce règlement.
Si des administrés ne respectent pas cette disposition, le maire doit poursuivre la procédure pour violation de ce règlement. Celle-ci se déroule, schématiquement, de la manière suivante :
Lettre destinée à l’auteur de la nuisance, lui demandant de se conformer aux prescriptions du RSD.
-Si une médiation est organisée : lettre destinée à l’auteur de la nuisance actant les conclusions de la médiation.
-En cas de persistance de la nuisance : mise en demeure (par lettre ou arrêté) du fauteur de trouble, précisant les mesures à prendre et leur délai d’exécution.
-En cas de non-respect de la mise en demeure : établissement d’un procès-verbal d’infraction et transmission au procureur de la République.
En ce qui concerne les atteintes à la tranquillité publique
Il est important de souligner que les développements qui suivent s’appuient sur les dispositions du CSP dans leur numérotation encore en vigueur à ce jour, malgré la publication du décret n° 2017-1244 du 7 août 2017 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés, puisque celui-ci n’est, pour l’heure, pas encore applicable.
Ceci étant dit, le CSP distingue deux catégories de bruit de voisinage :
Les bruits de comportement sont provoqués par le comportement des personnes directement ou par l’intermédiaire d’objets bruyants (chaînes hifi, appareils électroménagers, etc.) ou d’animaux qu’ils possèdent (article R.1334-31 – futur article R.1336-5).
Ils sont considérés comme gênants dès lors que leur durée, leur répétition ou leur intensité est excessive.
Les bruits d’activité ont pour origine une activité professionnelle, culturelle ou de loisirs, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation (article R.1334-32 – futur article R.1336-6). L’article R.1334-33 (futur R.1336-7) fixe les valeurs limites d’émergence à ne pas dépasser.
Le maire doit intervenir lorsque la tranquillité des administrés est gênée par des bruits de voisinage, et en particulier par des bruits de comportement.
Pour information, le juge prend en compte un certain nombre d’éléments pour apprécier le caractère gênant du bruit dans le cadre de contentieux entre personnes privées. Il estime que pour être considérés comme tels, les bruits provenant d’un poulailler doivent présenter un caractère intempestif et répété (CA Colmar, 12 août 2008, Juris-Data n° 2008-374883). Le caractère rural de la commune sur le territoire de laquelle ont lieu les nuisances, est également pris en compte pour apprécier le caractère anormal des troubles invoqués (CA Bordeaux, 1er juin 2006 : « (…) compte tenu de l'absence de démonstration du caractère anormal des troubles invoqués, du caractère rural de la commune où ils se sont installés et de l'absence de toute faute de la part de Monsieur Y..., les époux X... ont été à bon droit déboutés par le premier juge »).
Si tel est le cas, la procédure à mettre en œuvre est la suivante :
Après avoir vérifié le bien-fondé de la plainte (en l’occurrence, après avoir vérifié que les bruits générés par la présence de volailles et de moutons est une réelle source de nuisances et de gêne pour le voisinage), le maire peut d’abord se rapprocher du « fauteur de trouble » afin de lui rappeler la réglementation en vigueur en matière de bruit et lui demander de mettre fin aux nuisances.
L’édile peut également organiser une réunion de conciliation entre les différentes parties concernées afin de régler le différend à l’amiable.
En cas de persistance du trouble, il convient de diligenter une enquête afin de constater ou faire constater l’infraction.
Sont notamment compétents pour procéder à ce constat les officiers et agents de police judiciaire[4], ainsi que les fonctionnaires et agents des collectivités territoriales agréés par le procureur de la République et assermentés devant le tribunal d'instance dans le ressort duquel ils sont domiciliés (articles L.1312-1 du CSP, L.571-18 et R.571-92 du code de l'environnement). Il peut également s’agir des agents de l’Agence régionale de santé.
S’agissant de bruits de comportement, le constat de la nuisance se fait :
- « à l’oreille », sans mesure acoustique ;
- chez le plaignant, de préférence à l’endroit où celui-ci prétend être le plus gêné.
Si l’infraction est constatée, le maire doit alors adresser au « fauteur de trouble », soit par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception, soit par arrêté municipal individuel, une mise en demeure stipulant un délai d’exécution pour la cessation de la gêne sonore, et si besoin, les mesures nécessaires pour y mettre un terme.
Cette décision ne pourra toutefois être prise qu’après que l’intéressé aura « été mis à même de présenter des observations écrites ou, sur sa demande, des observations orales » (article L.122-1 du code des relations entre le public et l’administration).
En pratique, cela signifie que le maire doit adresser à la personne un courrier lui indiquant qu’en raison de la persistance des troubles, il a l’intention de le mettre en demeure et lui demander s'il a d'éventuelles observations à formuler. Le maire devra garder une preuve de cet envoi.
Parallèlement à cela, le maire peut mettre en œuvre une ou plusieurs des mesures administratives suivantes (article R.1334-37 du CSP – futur article R.1336-11) :
- consignation entre les mains d’un comptable public d’une somme correspondant au montant des travaux pour rendre l’exploitation conforme ;
- exécution d’office, aux frais de l’exploitant, des mesures prescrites ;
- suspension de l’activité jusqu’à l’exécution de ces mesures.
A défaut d’exécution suite à la mise en demeure, un procès-verbal d’infraction devra être dressé.
Les infractions à la réglementation en matière de bruit peuvent donner lieu à des poursuites pénales après avoir fait l’objet de procès-verbaux : le fait d'être à l'origine d'un bruit d’activité est puni de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la 3ème classe, soit 450 € au plus (article R.1337-7 du CSP).
De surcroît, le contrevenant encourt une peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction (article R.1337-8 du même code).
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[1] Tel sera, par exemple, le cas d’un élevage qui compte plus au-delà de 5 000 poules.
[2] Cela ne vaut qu’en l’absence d’indication dans un document d’urbanisme ou, le cas échéant, dans le cahier des charges si l’élevage est implanté dans un lotissement.
[3] L’inaction du maire dans ce domaine est susceptible de caractériser une faute de nature à engager la responsabilité de la commune (CE, 25 septembre 1987, n° 68501).
[4] Le maire et ses adjoints ont la qualité d’officiers de police judiciaire (article 16 du code de procédure pénale).
Nous vous rappelons que HGI-ATD ne répond qu'aux sollicitations de ses adhérents. Toute demande de documentation, conseil ou assistance ne respectant pas cette condition ne pourra aboutir.