La gestion budgétaire des opérations d’investissement pluriannuelles avec la technique des autorisations de programme et crédits de paiement (AP/CP)
Avec la généralisation de la nomenclature budgétaire et comptable M57 au 1er janvier 2024, le recours au dispositif des autorisations de programme et crédits de paiements (AP/CP) tend à se développer. Cet outil permet en effet de contourner certaines contraintes budgétaires et de gagner en fluidité dans l’articulation budgétaire des opérations d’investissement pluriannuelles.
Historiquement réservée aux collectivités de taille importante (régions, département, métropoles) la possibilité de segmenter une opération ou un programme d’investissement en tranches annuelles est facilitée par la M57, avec notamment des règles de mise en place allégées pour les communes de moins de 3 500 habitants.
Le recours à la procédure des AP/CP facilite la gestion et la lisibilité de l’exécution des opérations d’investissement programmées sur plusieurs exercices. Elle permet à la collectivité de ne pas faire supporter sur un seul budget l’intégralité d’une dépense pluriannuelle, mais seulement les dépenses à régler au cours de l’exercice.
Un arbitrage pourra donc être effectué entre AP/CP et restes à réaliser (RAR) pour gérer les dépenses d’investissements nécessitant des financements pluriannuels peut conciliables avec un rythme annuel de crédits budgétaires. Les RAR impactent des résultats du compte administratif et participent en cas de déficit de la section d’investissement à l’affectation obligatoire d’une fraction du résultat reporté en fonctionnement. Avec les APCP, l’équilibre budgétaire de la section d’investissement, y compris lors de la clôture de l’exercice, s’apprécie en tenant compte des seuls crédits de paiement réalisés au cours de l’année.
Rappel du cadre règlementaire
La procédure des autorisations de programmes (AP) et des crédits de paiement (CP) est prévue par l’article L.2311-3 du Code Général des Collectivités territoriales (CGCT). Elle constitue un aménagement du principe d’annualité qui permet d’adapter la programmation de certaines dépenses, notamment d’investissement, qui voient leur réalisation s’échelonner sur plusieurs exercices. Elle permet alors d’effectuer une gestion pluriannuelle de l’engagement des dépenses en évitant de recourir à la technique classique des restes à réaliser.
A titre d’information, ce même article prévoit la gestion d’engagements pluriannuels en section de fonctionnement, sous forme d’Autorisations d’Engagement et crédits de paiement (AE/CP) à ceci près que « Cette faculté est réservée aux seules dépenses résultant de conventions, de délibérations ou de décisions, au titre desquelles la commune (ou l’EPCI) s’engage, au-delà d’un exercice budgétaire, à verser une subvention, une participation ou une rémunération à un tiers. Toutefois, les frais de personnel et les subventions versées aux organismes privés ne peuvent faire l’objet d’une autorisation d’engagement ».
La gestion sous forme d’AP/CP permet à une collectivité de ne pas faire supporter, au budget d’un exercice donné, l’intégralité d’une dépense pluriannuelle et de ne pas prévoir l’intégralité des recettes correspondantes. Seules les dépenses à payer au cours de l’exercice sont retracées dans le budget et l’équilibre de chaque section s’apprécie au regard des seuls crédits de paiement.
Les autorisations de programme (AP) constituent alors la limite supérieure des dépenses qui peuvent être engagées pour l’exécution des opérations d’investissement. Elles demeurent valables, sans limitation de durée jusqu’à ce qu’il soit procédé à leur annulation ou leur clôture. Elles pourront être révisées tout au long de leur exécution, tant sur le montant global que sur la ventilation des crédits de paiement. En ce sens, en cas d’engagements nouveaux donnés par la collectivité dans le cadre de cette opération, de modification du calendrier d’exécution de la dépense, etc. le montant de l’AP et des CP peut être révisé par simple délibération du conseil municipal et, si besoin pris en compte par une décision modificative du budget en cours.
Les crédits de paiement (CP) inscrits au budget sont la matérialisation annuelle des AP. Ils constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être mandatées au cours de l’exercice budgétaire, pour la couverture des engagements contractés dans le cadre des AP.
L’article R.2311-9 du CGCT précise que « les autorisations de programme ou d'engagement et leurs révisions éventuelles sont présentées par le maire. Elles sont votées par le conseil municipal, par délibération distincte, lors de l'adoption du budget de l'exercice ou des décisions modificatives ». Les AP/CP peuvent être votés lors de toutes sessions budgétaires. Il prévoit également que « chaque autorisation de programme ou d'engagement comporte la répartition prévisionnelle par exercice des crédits de paiement correspondants ». La délibération doit prévoir l’objet de l’AP, son montant et la répartition annuelle des crédits de paiement. La somme des CP doit donc être égale au montant de l’autorisation. Enfin, il dispose que « les autorisations de programme correspondent à des dépenses à caractère pluriannuel se rapportant à une immobilisation ou à un ensemble d'immobilisations déterminées, acquises ou réalisées par la commune, ou à des subventions d'équipement versées à des tiers ».
Les communes pourront utiliser les autorisations de programme pour des opérations d’investissement proprement dites, avec un réel caractère de pluriannualité (et non pas pour financer les dépenses d'opérations annuelles). Il importe donc que le libellé de l’AP soit suffisamment explicite pour permettre à l’assemblée délibérante d’en identifier l’objet sans ambiguïté. Les autorisations qui n’auront pas été votées par opération devront être affectées à une ou plusieurs opérations par décision de l’ordonnateur. Cette affectation devra obligatoirement intervenir avant l’engagement juridique et comptable de la dépense.
La situation des autorisations de programme, ainsi que des crédits de paiement y afférents doit être présentée dans un état annexé aux documents budgétaires.
Les collectivités ayant recours à la gestion pluriannuelle pour une partie de leurs crédits ont tout intérêt, même en l’absence d’obligation règlementaire, à adopter un règlement budgétaire et financier qui prévoit les règles de gestion des AP ou AE précisant les modalités d’ouverture, de caducité, d’annulation, de modification, de révision et de transfert de celles-ci. Ce règlement, ayant une portée plus générale, pourra prévoir et présenter toutes les règles et procédures internes de la fonction financière et comptable au sein de la collectivité
Nota : les communes de plus de 3 500 habitants et leurs établissements publics qui utilisent la nomenclature budgétaire et comptable M57 ont l’obligation d’adopter une règlement budgétaire et financier même dans l’hypothèse où elles n’utiliseraient pas le régime des AP/CP.
La gestion et le suivi des reports de crédits dans le cadre des APCP
Les crédits de paiement sont obligatoirement déterminés par année budgétaire. S’ils sont adoptés dans le courant de l’année, la durée de validité des premiers crédits ne peut dépasser la fin de l’exercice budgétaire considéré. Toutefois dans l’hypothèse où au 31 décembre d’une année, l’intégralité des crédits de paiement n’aurait pas été consommée, il est possible de les reporter, selon certaines modalités, sur la tranche de l’année suivante. Leur reprise ne pourra cependant, être effective qu’après le vote du compte administratif (CA). Pour rappel, la gestion des AP/CP doit être consignée dans une annexe du CA faisant apparaitre, le cas échéant, un reste de crédits non consommés.
Ces crédits pourront alors être reportés par une délibération modifiant ou ajustant la répartition des CP restants à l’intérieur de l’AP. L’ajustement budgétaire des prévisions de l’AP/CP s’effectuera dans le cadre du budget supplémentaire (BS – première DM adoptée après le vote du CA et reprenant l’affectation des résultats n-1) ou d’une décision modificative (DM). Avec cette méthode, les crédits reportés ne pourront pas être disponibles dès le 1er janvier de l’année suivante, la collectivité devra attendre le vote du CA de l’exercice précédent.
Pour contourner cette contrainte, une autre méthode peut être appliquée. Elle suppose cependant que la collectivité soit en mesure de déterminer de façon précise, les montants des crédits de l’enveloppe qui ne seront pas consommés d’ici la fin de l’année. Elle pourra alors envisager de modifier la répartition des CP à l’intérieur de l’AP dès l’année en cours, par une délibération ajustant les CP et une décision modificative pour retirer du budget prévisionnel en cours, les crédits qui ne seront pas consommés durant la fin de l’exercice afin de faire concorder la prévision budgétaire et de l’AP/CP à celle l’exécution budgétaire.
L’avantage sera alors de rendre disponibles, dès le 1er janvier de l’année suivante, l’intégralité des CP votés, sans attendre l’adoption du CA de l’année précédente.
A cet effet, il peut être prévu en fin d’exercice une étape budgétaire, propre à la collectivité, de présentation d’un bilan annuel d’exécution des AP/CP, suite à laquelle, les crédits seront réaménagés pour fluidifier la gestion comptable et budgétaire en début d’exercice suivant, avant le vote du BP.
L’articulation de la pratique des AP/CP avec les restes à réaliser
Dans son rapport annuel de 1999, la Cour des Comptes semblait considérer les AP/CP et les RAR comme deux procédures permettant de gérer le financement des dépenses à étaler sur plusieurs exercices. Cependant, elles ne peuvent pas être utilisées pour gérer une même opération d’investissement.
Définis à l’article L.2311-11 du CGCT, « les restes à réaliser de la section d’investissement arrêtés à la clôture de l’exercice correspondent aux dépenses engagées non mandatées et aux recettes certaines n’ayant pas donné lieu à l’émission d’un titre ». Ils sont intégrés dans le calcul du résultat du compte administratif, et contribuent donc à déterminer le besoin de financement de la section d’investissement.
Autrement dit, lorsqu’une collectivité n’a pas recours aux AP/CP et donc, qu’elle a recours à la méthode des restes à réaliser pour gérer ses dépenses pluriannuelles, elle est contrainte d’engager comptablement l’intégralité de la dépense figurant sur l’engagement juridique (marché public) sur le budget au cours duquel les contrats ont été conclus, puis de reporter sur l’exercice suivant les crédits non consommés durant l’année budgétaire. La difficulté et le risque que comporte cette technique tient au respect du principe d’équilibre sincère du budget : la programmation budgétaire de la dépense doit être couverte, dès l’exercice d’engagement par des prévisions de recettes sincères, alors même que les sommes n’ont pas été encaissées, voire même, pas encore notifiées. De plus, en fin d’exercice, la collectivité est contrainte de mobiliser une partie de ses excédents de fonctionnement budgétaires pour couvrir le « déficit en cours » de l’opération, via la procédure d’affectation du résultat après le vote du compte administratif.
Ainsi, l’inscription au titre des RAR en dépenses, sur des volumes budgétaires importants (contrats pluriannuels pour des opérations de voirie ou construction d’équipements publics par exemple) sans contrepartie équivalente en recettes (subventions, contrats d’emprunts de court ou long terme) va donner lieu à une affectation obligatoire d’une fraction du résultat de l’exercice en investissement. Ce faisant, la collectivité se prive d’un arbitrage sur le mode de financement des dépenses futures entre l’emprunt et l’autofinancement, notamment pour les d’opérations structurantes dont la réalisation s’inscrit sur plusieurs années.
Dans le cadre d’une gestion en AP/CP, seules les dépenses à payer au cours de l’exercice sont retracées dans le budget et l’équilibre budgétaire de la section d’investissement, y compris lors de la clôture de l’exercice, s’apprécie en tenant compte des seuls crédits de paiement réalisés au cours de l’année.
Par ailleurs, la gestion et le suivi des opérations en AP/CP peut se faire, ou non, grâce à des opérations budgétaires (au sens des instructions M14 et M57).
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