Services périscolaires et de cantine : mesures et sanctions administratives à l'encontre d'un élève
La cantine et l’accueil périscolaire sont des services publics administratifs actuellement présents dans la quasi-totalité des communes même s’ils demeurent facultatifs.
Ces services essentiels pour les parents actifs représentent un lieu d’échange social important entre les enfants. Ils servent également d’exutoire pour les élèves contraints à une discipline plus exigeante pendant le temps scolaire. Le comportement de certains élèves peut ainsi dégénérer de l’indiscipline à l’agressivité. La pression subie par le personnel en charge de la surveillance et du service de la cantine peut être très forte.
Il est possible pour l’autorité gestionnaire[1] d’un service public de prendre une sanction à l’encontre d’un usager du service si ses agissements nuisent au bon ordre et au fonctionnement normal du service (CE, 17 mars 1993, n° 89572). Les élèves qui fréquentent les services de restauration scolaire et de l’accueil périscolaire ont la qualité d’usager de ces services et toute décision d’exclusion, par exemple, est constitutive d’une sanction administrative.
Le prononcé d’une sanction à l’encontre d’un usager n’est permis que si le règlement du service prévoit expressément celle-ci pour le comportement fautif dont l’élève est l’auteur et doit respecter des règles procédurales strictes.
Cette Fiche technique a pour but de vous aider dans le prononcé des sanctions administratives que vous êtes contraints de prendre à l’encontre des élèves ayant un comportement fautif qui nuit au bon ordre et au fonctionnement normal de votre service.
Le règlement du service doit prévoir les sanctions applicables aux différents cas de comportement fautifs des usagers
L’obligation de définir les différents comportements prohibés
Le règlement du service doit énoncer et définir de façon précise et complète les différents comportements fautifs des usagers pouvant être sanctionnés.
Le règlement doit être parfaitement explicite s’agissant des interdictions posées, notamment pour celles qui seront sanctionnées. A titre d’exemple, il est possible d’indiquer :
- interdiction de proférer des menaces,
- interdiction d’avoir un comportement violent,
- interdiction de commettre toute dégradation volontaire sur les biens du service.
L’obligation de définir les différentes sanctions encourues
Le principe de légalité des peines exige que pour chaque comportement fautif les différentes sanctions encourues soient également définies de façon précise et complète dans le règlement du service.
Toute sanction prévue dans le règlement du service doit respecter trois principes essentiels :
- La nécessité de la sanction
La sanction doit être strictement nécessaire, ce qui signifie que les alternatives ne présentant pas un caractère répressif, lorsqu’elles sont possibles, doivent toujours lui être préférées.
- La proportionnalité de la sanction
La sanction doit être proportionnée à la gravité du manquement à la règle constaté.
- L’individualisation de la sanction
La sanction doit être individualisée et correspondre au manquement constaté, c’est-à-dire que l’autorité territoriale doit apprécier le comportement fautif de l’élève afin de justifier la sanction qui lui est appliquée.
Le juge administratif vérifie que les sanctions prononcées ne contreviennent pas à ces principes (TA Rennes, 17 octobre 2024, M. et Mme C, n° 2400793 : annulation d’une décision d’exclusion du service de restauration scolaire d’un enfant ayant porté un coup de poing au thorax d’un camarade et tenté de frapper une encadrante, au motif que l’exclusion qui a été prononcée pour une durée indéterminée, n’est pas limitée dans le temps et qu’elle est, en conséquence, disproportionnée).
Au regard de ces principes, il est donc important de prévoir une graduation des sanctions qui peuvent être édictées en fonction de la gravité des faits répréhensibles commis par l’élève.
A titre d’exemple :
- au 1er incident : avertissement adressé à l’élève,
- en cas de récidive : exclusion temporaire de 2 jours.
Attention : L’exclusion temporaire et l’exclusion définitive doivent être définies si elles apparaissent dans le règlement du service. Pour l’exclusion temporaire, il est nécessaire d’indiquer le nombre de jours possibles ou maximum. Pour l’exclusion définitive, il faut apporter une limite temporelle, la peine ne pouvant être perpétuelle sous peine de sanction du juge administratif. |
Modèle de tableau des comportements et actes prohibés donnant lieu à une sanction
A titre d’exemple, il est proposé un tableau des comportements et actes prohibés donnant lieu à sanction qu’il est possible d’insérer dans le règlement intérieur du service périscolaire ou de cantine :
COMPORTEMENTS ET ACTES PROHIBES | ||
Catégories |
Comportements et actes prohibés |
Application des mesures et sanctions |
NON-RESPECT DES REGLES DE VIE COLLECTIVE |
- comportement trop bruyant
- injures
- comportement provoquant ou insultant
- refus d’obéissance
- menaces |
Au 1er incident : Rappel à l’ordre oral adressé à l’élève
A la première récidive : Convocation de l’élève et des parents pour tenter une médiation afin de trouver des solutions pérennes
Pour les autres récidives : 1. Avertissement* 2. Exclusion temporaire* de [délai à définir] jours |
NON-RESPECT DES BIEN ET DES PERSONNES |
- comportement violent à l’égard d’un camarade et/ou du personnel n’entrainant pas de blessure corporelle grave,
- bagarre ou coups portés à l’égard des camarades et/ou personnel n’entrainant pas de blessure corporelle grave
- menaces graves ayant des répercussions psychologiques sur les camarades et/ou personnel
- dégradation volontaire de matériel dont le montant des réparations s’élève à moins de [montant à définir] euros
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Au 1er incident : Avertissement*
En cas de récidives : 1. Exclusion temporaire* de [délai à définir] jours
2. Après avoir été exclus temporairement [définir un nombre], une exclusion définitive* jusqu’à la fin de l’année scolaire pourra être prise
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- comportement violent à l’égard d’un camarade et/ou du personnel entrainant des blessures corporelles graves
- bagarre ou coups portés à l’égard des camarades et/ou personnel entrainant des blessures corporelles graves
- dégradation volontaire de matériel dont le montant des réparations est supérieur à [montant à définir] euros |
Au 1er incident : Exclusion temporaire* de [délai à définir] jours
En cas de récidive : Exclusion définitive* jusqu’à la fin de l’année scolaire
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* En cas de circonstances exceptionnelles, la procédure contradictoire ne s’appliquera pas (article L.121-2 du code des relations entre le public et l’administration)
Selon la jurisprudence, l’organisation des services publics locaux relève de la compétence de l’organe délibérant de la collectivité gestionnaire du service (CE, 6 janvier 1995, Ville de Paris, n° 93428). L’assemblée délibérante fixe les règles et les modalités d’organisation du service ainsi que les sanctions applicables en cas d’atteinte au bon ordre et au fonctionnement normal du service.
La mise en œuvre des sanctions à l’encontre des usagers obéit à des règles procédurales strictes
Le prononcé d’une sanction à l’encontre d’un usager est prise par l’autorité gestionnaire et obéit à un formalisme strict. Elle est chargée d’assurer le respect du règlement du service.
La nécessité d’établir les faits précis justifiant la sanction
Les faits reprochés à l’élève qui, par son comportement, a enfreint le règlement du service doivent être établis de façon précise et détaillée grâce aux constats et témoignages du personnel.
Il est conseillé de tenir un cahier ou registre des incidents dans lequel les agents mentionnent tous les faits avec le plus de détails possibles : la date, l’heure de l’incident, le nom des élèves impliqués et/ou victimes, les circonstances et le relevé exact des comportements ou faits sanctionnables.
Il est indispensable de bien détailler ces incidents car les éléments indiqués par le personnel seront ensuite repris dans la procédure contradictoire et, éventuellement, dans l’arrêté prononçant la sanction pour motiver la décision prise.
L’obligation de respecter une procédure contradictoire avant le prononcé de la sanction
Une sanction administrative ne peut être infligée sans que soient respectés les droits de la défense (CE, 5 mai 1944, n° 69751 ; Conseil constitutionnel 30 mars 2006, n° 2006-535DC).
Ainsi, toute décision administrative défavorable est précédée d’une procédure contradictoire impliquant de mettre en demeure la personne afin qu’elle puisse présenter ses observations écrites (articles L.121-1 et L.122-1 du CRPA – code des relations entre le public et l’administration). La personne peut également présenter à sa demande des observations orales. Dans ce cas, il est recommandé de retranscrire par écrit l’entretien oral effectué avec la personne qui peut se faire assister par un conseil juridique.
Afin de pouvoir se défendre, la personne incriminée doit être informée des griefs formulés à son encontre (article L.122-2 du CRPA).
Concrètement, avant de prononcer une sanction comme une exclusion ou un avertissement, par exemple, il faut recueillir les observations des parents sur les faits et agissements qui sont reprochés à leur enfant en indiquant l’intention de l’exclure des services périscolaire et/ou de cantine ou de lui donner un avertissement (modèle de courrier disponible sur www.atd31.fr). Il s’agit d’informer par courrier les parents de l’intention d’appliquer une sanction administrative à leur enfant en précisant les raisons détaillées (il est recommandé de s’appuyer sur le cahier ou registre des incidents). Un délai suffisant doit être laissé aux parents pour qu’ils puissent présenter leurs observations. Il appartient à l’autorité gestionnaire d’apprécier le délai imparti en fonction des circonstances et de la gravité des faits commis, notamment si ceux-ci sont susceptibles de se reproduire.
Toutefois, en cas d’urgence ou de circonstances exceptionnelles, la procédure contradictoire ne s’applique pas et la sanction peut être prononcée sans délai (article L.121-2 du CRPA). Ces dispositions particulières peuvent être rappelées dans le règlement du service. Les raisons qui justifient une sanction immédiate doivent être argumentées dans la décision de sanction et reposer sur des faits particulièrement gravissimes.
Il convient de rappeler que le défaut de procédure contradictoire rend la décision d’exclusion illégale (CAA Bordeaux, 10 novembre 2009, n° 08BX03236) : « la décision d’exclusion du fils de M et Mme X de la cantine et de la garderie scolaire est intervenue à l’issue d’une procédure irrégulière, faute pour le maire (...) d’avoir préalablement mis M et Mme X à même de présenter des observations que, dès lors M et Mme X sont fondés à demander l’annulation de la décision du maire »).
L’obligation de motiver la décision prononçant la sanction
Lorsqu’une sanction est prise, elle doit être motivée (article L.211-2 du CRPA).
La décision de prononcer une sanction est prise après la procédure contradictoire, soit après les observations éventuelles des parents.
La sanction doit être formalisée par écrit et doit détailler les considérations de droit et de fait sur lesquelles l’autorité se fonde pour prendre la mesure (article L.211-5 du CRPA).
La rédaction des motivations est très importante. Le juge administratif y porte une attention particulière. Pour illustration, une première décision d’exclusion de l’accueil périscolaire d’un élève a été annulée par le tribunal administratif au motif que la décision n’était pas suffisamment motivée en fait car si celle-ci fait état notamment de « faits de violences et injures à l’encontre d’autres enfants », elle ne précisait pas dans quelles circonstances et à quelles dates, ou du moins périodes, ont eu lieu ces faits (TA Rouen, 27 octobre 2023, n° 2301490). Dans ce même jugement, le tribunal a annulé une deuxième mesure d’exclusion car la décision du maire n’était pas suffisamment motivée, en droit, faute d’avoir précisé les textes juridiques sur lesquels elle est fondée.
Pour conclure, la décision d’appliquer une sanction administrative doit détailler les faits qui se sont passés avec le plus de précision possible et indiquer les textes juridiques sur lesquels la décision est fondée.
La motivation doit apparaître dans la mise en demeure contradictoire et dans la notification de la sanction administrative.
L’obligation de notifier la décision prononçant la sanction
Si, à l’issue de la procédure contradictoire, les arguments développés par les parents pour la défense de leur enfant ne sont pas de nature à faire renoncer l’autorité exécutive à prononcer la sanction, la décision motivée qui sera prise en ce sens, généralement sous la forme d’un arrêté, doit ensuite être notifiée pour être opposable.
Schéma récapitulatif : les étapes de la sanction administrative avec procédure contradictoire
Source : Napkin IA
Compléments de lecture :
Les deux modèles suivants sont téléchargeables sur notre site www.atd31.fr : - Modèle de courrier constatant le non-respect du règlement intérieur des services périscolaires et de cantine (procédure contradictoire) - Arrêté d’exclusion du service périscolaire et de la cantine scolaire |
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[1] Autorité gestionnaire du service : maire ou président de l’EPCI compétent pour la cantine ou l’accueil périscolaire
Nous vous rappelons que HGI-ATD ne répond qu'aux sollicitations de ses adhérents. Toute demande de documentation, conseil ou assistance ne respectant pas cette condition ne pourra aboutir.