La conclusion de transactions pour le règlement de sinistres
Afin d’éviter de faire augmenter le taux de sinistralité de la commune, et par voie de conséquence le montant de sa prime d’assurance, une commune peut envisager de ne pas déclarer auprès de son assureur les petits sinistres dont elle est responsable, d’autant qu’elle peut se voir appliquer une franchise pour chaque sinistre.
Dans ce cas, la commune peut-elle prendre en charge l’indemnisation des victimes en concluant une transaction et si oui, selon quelles modalités ?
LE RECOURS A LA TRANSACTION
Une commune peut recourir à la transaction pour régler un différend à l’amiable, en application de l’article L.423-1 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA), selon lequel : « Ainsi que le prévoit l'article 2044 du code civil et sous réserve qu'elle porte sur un objet licite et contienne des concessions réciproques et équilibrées, il peut être recouru à une transaction pour terminer une contestation née ou prévenir une contestation à naître avec l'administration ».
L’intérêt principal de la transaction est de mettre fin de manière définitive au différend puisqu’elle contient une renonciation des parties à tout recours ayant le même objet (art. 2052 du code civil).
L’HABILITATION DU MAIRE A TRANSIGER AFIN D’ALLEGER LE FORMALISME
La transaction, qui doit prendre la forme d’un contrat écrit (art. L.423-1 du CRPA et 2044 du code civil précités), doit être approuvée par le conseil municipal, à moins que le maire n’ait reçu la délégation prévue au 16° de l’article L.2122-22 du code général des collectivités territoriales (CGCT).
Cette disposition permet en effet au maire d’être habilité à « transiger avec les tiers dans la limite de 1 000 € pour les communes de moins de 50 000 habitants et de 5 000 € pour les communes de 50 000 habitants et plus ».
A noter que lorsque le maire dispose de la délégation pour « passer les contrats d’assurance (…) [et] accepter les indemnités de sinistres y afférant » (6° de l’art. L.2122-22 du CGCT), celle-ci lui permet seulement de donner l’accord de la commune sur le montant des indemnisations qui doivent lui être versées (rép. min. à la QE n° 70204, JO AN du 27 juin 2006, p. 6803), mais non de transiger.
De même, une habilitation donnée au maire pour « régler les conséquences dommageables des accidents dans lesquels sont impliqués des véhicules municipaux » dans la limite fixée par le conseil municipal (17° de l’art. L.2122-22 du CGCT) ne permet pas au maire de transiger dans le cas précis de ces dommages.
Il est donc recommandé, pour des raisons pratiques, que le conseil municipal accorde au maire la délégation prévue à l’article L.2122-22 16° précité du CGCT, faute de quoi le recours à la transaction requerra systématiquement une intervention de l’assemblée.
Pour autant, des conditions de fond viendront limiter la faculté d’utiliser la voie transactionnelle pour les petits sinistres.
L’INOPPOSABILITE DES TRANSACTIONS A L’ASSUREUR
Tout d’abord, les contrats d'assurance peuvent interdire à l'assuré de transiger (art. L.124-2 du code des assurances).
La commune devra vérifier si son contrat d’assurance comporte une clause en ce sens.
Néanmoins, la seule sanction du non-respect de cette interdiction est l'inopposabilité à l'assureur des transactions conclues par l'assuré.
En conséquence, même si la police d’assurance comprend une clause interdisant de transiger, la commune pourra malgré tout transiger avec les victimes de dommages dont elle est responsable dès lors qu'elle prendra ensuite elle-même à sa charge les indemnités dues aux victimes, sans chercher à les faire porter par son assureur.
LA NECESSITE DE CONCESSIONS RECIPROQUES ENTRE LES PARTIES
Ensuite et surtout, une transaction, pour être valide, doit comporter des concessions réciproques des parties.
La jurisprudence en ce sens, tant du juge judiciaire que du juge administratif, est constante.
Ces concessions ne doivent pas nécessairement être d'ampleur équivalente (CE, Ass., 11 juillet 2008, société Krupp Hazemag). Elles doivent, toutefois, représenter un sacrifice réel et appréciable pour chacune des parties (voir, pour le juge judiciaire : Cass. soc. 19 février 1997 : Bull. V n° 74 ― Cass. soc., 3 novembre 1998, pourvoi n° 96-42.510 ― Cass. soc., 7 février 2007, n° 05-41.623, inédit – et pour le juge administratif : CE, 29 décembre 2000, M. Comparat, Rec. p. 658).
Une transaction dans laquelle une seule des parties consentirait à abandonner unilatéralement toutes ses prétentions constituerait une libéralité, interdite pour une personne publique (CE sect., 19 mars 1971, Sieur Mergui, Rec. p. 235).
Il existe une dérogation légale à cette obligation, pour l'indemnisation des victimes d'accidents de la route : la Cour de cassation a ainsi admis que le régime institué par la loi du 5 juillet 19851 est dérogatoire au droit commun et permet aux assureurs de conclure des transactions sans avoir à faire ressortir des concessions réciproques.
Cependant, cela ne vaut qu'à l'égard des assureurs, qui sont tenus de présenter une offre d'indemnisation aux victimes dans un certain délai (art. 11 de la loi).
Par ailleurs, cette dérogation ne trouve pas à s’appliquer dans les autres matières, notamment pour les dommages causés à l'occasion d'une opération de travaux publics.
La circulaire du 6 avril 2011 relative au développement du recours à la transaction pour régler amiablement les litiges (NOR : PRMX1109903C) se montre toutefois relativement libérale concernant l’exigence de concessions réciproques :
« La règle des concessions réciproques ne signifie pas que la personne publique doit exiger de son cocontractant qu'il renonce à une partie de l'indemnisation qui lui est due, si le montant du dommage n'est pas contesté, en particulier, mais pas seulement, lorsqu'il a été établi par une expertise. Dans un tel cas, la personne publique trouve avantage à la conclusion d'une transaction, en obtenant, en échange du versement immédiat du montant non contesté de la réparation intégrale du préjudice, l'assurance que ne sera pas remise en cause ultérieurement l'indemnisation versée ainsi que la certitude de ne pas avoir à payer les frais et les délais d'un contentieux, économisant ainsi à tout le moins d'éventuels intérêts moratoires. »
Cependant, cette position ne reflète pas celle de la jurisprudence rappelée plus haut.
C’est pourquoi, si la commune peut toujours faire valoir, comme le suggère la circulaire, que la transaction lui évitera un éventuel contentieux (ce qui est l’objet-même d’une transaction), il sera recommandé, chaque fois que possible, de faire ressortir qu’après échanges avec la victime, un compromis a été trouvé sur le montant de l’indemnisation.
Sans chercher à diminuer indûment l’indemnité due à la victime, la commune pourra ainsi sécuriser ses transactions par exemple en appliquant un coefficient de vétusté pour calculer l’indemnité sur les biens qui n’étaient pas à l’état neuf avant de subir le dommage, ou encore en tenant compte d’un partage de responsabilités, avec la victime ou avec une autre personne, lorsqu’il y a lieu.
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1 Loi n° 85-677, tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et l’accélération des procédures d’indemnisation.
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