Régime unifié de la responsabilité des gestionnaires publics : les premières décisions de la Cour des comptes

Comptable

Pour rappel, en application de l'article 168 de la loi de finances pour 2022 , l'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics, a unifié ce régime de responsabilité tout en maintenant la distinction entre ordonnateurs et comptables. L'objectif est notamment de sanctionner directement la personne à l'origine de l'infraction. Auparavant, c'était le comptable public qui était sanctionné et ce même si la faute trouvait son origine auprès de l'ordonnateur.

L'intervention du juge n'est toutefois prévue que pour les fautes les plus graves. Dans le cadre d'une question écrite parlementaire du 15 septembre 2022, n° 01540 le ministère de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique précise ainsi que ce nouveau régime vise notamment à  " ... réserver  l'intervention d'un juge financier uniquement aux infractions les plus graves ayant causé un préjudice financier significatif à l'organisme public concerné ou celles qui, compte tenu de leur nature, sont considérées comme importantes eu égard à l'ordre public financier (octroi d'avantage injustifié, non production de comptes pour un comptable). Les erreurs ou fautes les moins graves doivent se voir apporter une réponse managériale sans l'intervention d'un juge".

Depuis le 1er janvier 2023, les ordonnateurs et comptables publics sont justiciables devant les mêmes juridictions : en première instance devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes, en appel devant la cour d'appel  financière et en cassation devant le Conseil d'Etat.

Cette réforme concerne l’ensemble des gestionnaires publics, c'est-à-dire les ordonnateurs et comptables, à l'exception des élus locaux et des personnes qui suivent les instructions de leurs supérieurs hiérarchiques ou détenant un ordre écrit de l'élu local.

Les élus locaux peuvent néanmoins voir leur responsabilité financière engagée, dans les trois cas suivants :

  • Inexécution d’une décision de justice entraînant le prononcé d’une astreinte (code de juridictions financières (CJF), art. L. 131-4) ;
  • avantages injustifiés consentis à autrui ou à soi-même (CJF, art. L. 131-12) ;
  • gestion de fait (CJF, art. L. 131-15).

Les premiers arrêts de la Cour des comptes viennent d'être rendus sous l'empire de ce nouveau régime unifié, mis en œuvre depuis le 1er janvier 2023.

Ainsi, dans l'arrêt du 11 mai 2023 n° S-2023-0604   la Cour a été amenée à se prononcer sur des infractions commises par la directrice générale de fait mise à disposition d'une société publique locale (SPL). Trois infractions ont été retenues à son encontre. Il lui est reproché d'avoir :

  • engagé des dépenses sans en avoir reçu délégation, 
  • octroyé des avantages à autrui et à soi-même, ( notamment l'achat de billet d'avion au bénéfice de son conjoint, ainsi que des achats à son profit de trajets en train ou en taxi de son domicile au siège de la SPL),
  • commis une faute ayant entraîné un préjudice significatif au détriment de la SPL. 

Concernant la première infraction la Cour des comptes considère que l'infraction prévue au 3ème de l'article L.131-13 du CJF est bien qualifiée et est imputable à la directrice. Cette disposition prévoit que tout justiciable est passible de l'amende prévue au deuxième alinéa de l'article L. 131-16, c'est-à-dire d'une amende ne pouvant être supérieure à un mois de rémunération annuelle, " lorsqu'il :    ... engage une dépense, sans en avoir le pouvoir ou sans avoir reçu délégation à cet effet".

Pour les avantages injustifiés, la chambre du contentieux de la Cour n'a appréhendé que ceux octroyés à autrui, elle n'a donc pas appliqué rétroactivement l'article L.131-12 du CJF qui sanctionne désormais l'avantage accordé à soi-même.

Au titre de ces deux infractions, la dirigeante a été condamnée à une amende de 3 500 euros.

En revanche, au sujet de la faute grave ayant entraîné un préjudice significatif au détriment de la SPL , la cour a considéré que le préjudice financier et son caractère significatif financier au sens de l'article L131-9 du CJF n'était pas suffisamment établi. A noter que le dernier alinéa de cet article précise que " le caractère significatif du préjudice financier est apprécié en tenant compte de son montant au regard du budget de l'entité ou du service relevant de la responsabilité du justiciable". 

Dans un autre arrêt,  en date du  31 mai 2023 n° S-2023-0667, la Cour des comptes fait application des dispositions de l'article L.131-14 du code des juridictions financières créé par l'ordonnance du 23 mars 2023, qui prévoit que le justiciable devant la Cour des comptes est passible de sanction :

  • "1° Lorsque ses agissements entraînent la condamnation d'une personne morale de droit public ou d'un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public à une astreinte en raison de l'inexécution totale ou partielle ou de l'exécution tardive d'une décision de justice ;
  • 2° En cas de manquement... aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public".

Dans cette affaire un maire avait été renvoyé devant la Cour des comptes en raison de la condamnation de sa commune à des astreintes pour inexécution d'une décision de justice rendu en faveur d'un agent de la ville  (1° de l'article L.131-14) et de l'absence et du retard d'ordonnancement de sommes à payer à cet agent ( 2° du même article).

On se trouve donc ici dans l'un des cas précités où les élus locaux peuvent voir engager leur responsabilité financière.  

La Cour des comptes a retenu ces deux infractions et condamné l'élu à une amende de 10 000 euros.

 

 

 



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Paru dans :

Info-lettre n°333

Date :

1 juillet 2023

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