Jurisprudence : Une personne publique, victime d'une escroquerie, n'est pas libérée de son obligation de paiement envers le créancier
- Conseil d'Etat, 21 octobre 2024, n°487929
Faits :
Un établissement public national à caractère industriel et commercial, gestionnaire d’un port a confié à une société la fourniture et la mise en service d’une grue à tour sur portique sur le site du pôle naval avec paiement d’un acompte de 20%, suivi d’un calendrier de paiement échelonné sur 5 situations. La société a bien perçu le versement initial, mais n’a pas perçu les acomptes suivants.
En effet, victime d’une escroquerie, l’établissement a procédé au virement des sommes dues sur un compte bancaire frauduleux. Dans un courrier adressé à la société, l’établissement expliquait que ces versements étaient libératoires et qu’il refusait en conséquence de procéder à tout nouveau paiement à son profit.
Le tribunal administratif a condamné l’établissement à verser à la société le paiement des situations augmentées des intérêts moratoires. L’établissement public se pourvoit en cassation contre l’arrêt par lequel la Cour administrative d’appel a rejeté l’appel qu’il a formé contre ce jugement.
Décision :
Le Conseil d’Etat considère qu’ « (…) il appartient à une personne publique de procéder au paiement des sommes dues en exécution d'un contrat administratif en application des stipulations contractuelles, ce qui implique, le cas échéant, dans le cas d'une fraude tenant à l'usurpation de l'identité du cocontractant et ayant pour conséquence le détournement des paiements, que ces derniers soient renouvelés entre les mains du véritable créancier. La personne publique ne peut ainsi utilement se prévaloir, pour contester le droit à paiement de son cocontractant sur un fondement contractuel, ni des dispositions de l'article 1342-3 du code civil relatives au créancier apparent, qui ne sont pas applicables aux contrats administratifs, ni des manquements qu'aurait commis son cocontractant en communiquant des informations ayant rendu possible la manœuvre frauduleuse. En revanche, la personne publique, si elle s'y croit fondée, peut rechercher, outre la responsabilité de l'auteur de la fraude, celle de son cocontractant, en raison des fautes que celui-ci aurait commises en contribuant à la commission de la fraude, afin d'être indemnisée de tout ou partie du préjudice qu'elle a subi en versant les sommes litigieuses à une autre personne que son créancier. Le juge peut, s'il est saisi de telles conclusions par la personne publique, procéder à la compensation partielle ou totale des créances respectives de celles-ci et de son cocontractant. ».
La haute-juridiction rejette le pourvoi en cassation.
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