Décence énergétique des logements mis à la location : un mode d’emploi aide les collectivités locales dans sa mise en oeuvre

Au sens de l’article 11 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (loi dite Grenelle II) est considérée «... en situation de précarité énergétique au titre de la présente loi une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d'énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l'inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d'habitat... ».

En France 12 millions de personnes se trouvent dans cette situation. De plus, selon les chiffres relevés par l’Office national de la rénovation énergétique (ONPE) en 2023, il apparaît que :

  • 1,6 million de logements sont considérés comme des passoires thermiques (classés en F et G ou G+), soit un logement locatif sur cinq,
  • 59,2 % des ménages sont en situation de précarité énergétique,
  • et 21, 2 % jugent leur logement difficile à chauffer.

A noter, que pour mesurer cette précarité énergique, l’ONPE s’appuie sur plusieurs indicateurs dont le TEE (taux d’effort énergétique), le BRDE (bas revenus, dépenses élevées) ainsi que le ressenti de l’inconfort. Ce panier d’indicateurs est précisé sur : ecologie.gouv.fr.

Face à cette problématique, pour assurer la décence des logements mis à la location mais aussi lutter contre la précarité énergétique, subie par certains locataires en raison de leurs conditions d’habitat, plusieurs mesures ont été prises.

Il est intéressant d’en présenter un récapitulatif chronologique :

 

  • 1989, l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, dans sa version d’origine impose au bailleur « ... de délivrer au locataire le logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement...».
  • 2002, le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 (dit décret décence) intègre la notion de décence introduite par la loi SRU (

    loi 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains). Ce décret précise ainsi que «... le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation. Ce décret détaille également  les caractéristiques du logement décent.

  • 2015, la loi du 17 août 2015 relative à la Transition énergétique pour la croissance verte (TECV) (article 12), a introduit un critère de performance énergétique dans les caractéristiques du logement « décent », modifiant ainsi l’article 6 de la loi de 1989, pour notamment préciser que le logement décent doit répondre « ... à un critère de performance énergétique minimale et..." être  ".. doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation ».
  • 2017, le décret n° 2017-312 du 9 mars 2017, introduit dans les caractéristiques d’un logement décent l’étanchéité à l’air et l’aération.
  • 2019, La loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat introduit un seuil maximal de consommation d’énergie dans les caractéristiques du logement énergétiquement « décent ». 
  • 2021, - le décret n° 2021-19 du 11 janvier 2021 relatif au critère de performance énergétique dans la définition du logement décent en France métropolitaine, fixe le seuil maximal de performance énergétique à 450 kWh/m². Concrètement depuis 2023, seul un logement consommant moins de 450 kWh d'énergie finale, par m2 de surface habitable et par an, peut être mis en location avec un bail d'habitation (y compris pour le renouvellement du bail ou sa reconduction tacite). Cette consommation est estimée par le diagnostic de performance énergétique (DPE). - La loi du 22 août 2021 dite climat et résilience précise que le niveau de performance d'un logement décent, au sens de l'article L. 173-1-1 du code de la construction et de l'habitation, c’est-à-dire en fonction de la performance énergétique et en fonction de la performance en émission de gaz à effet de serre (article 160), est compris à compter :

- du 1er janvier 2025, entre la classe A et la classe F ;
- du 1er janvier 2028, entre la classe A et la classe E ;
- du 1er janvier 2034, entre la classe A et la classe D.

  • 2023, le décret n° 2023-796 du 18 août 2023, confirme ce calendrier d’interdiction de mise en location et rappelle qu’un logement décent doit respecter un niveau de performance minimal  correspondant : à compter du 1er janvier 2025, à la classe F du DPE ; du 1er janvier 2028, à la classe E et du 1er janvier 2034, à la classe D.

Ainsi, concrètement au 1er janvier 2025 seuls les logements classés de A à F pourront être mis à la location, en seront donc exclus ceux classés en G. La mise en œuvre de cette nouvelle norme implique plusieurs acteurs locaux dont les collectivités locales.

Afin d’aider ces dernières dans cette démarche « le réseau Cler » propose un mode d’emploi qui leur est destiné : « Décret décence – comment l’appliquer ».

Pour rappel, le « réseau Cler », qui est une association nationale regroupant plusieurs structures telles que des associations, des entreprises ainsi que des collectivités, anime notamment des ateliers au profit de ces dernières qui sont engagées dans la lutte contre la précarité énergétique.

Après avoir rappelé le contexte, ce mode d'emploi présente plusieurs leviers permettant aux collectivités :

  • d'instituer un permis de louer, afin d'imposer, dans certains secteurs, aux propriétaires d’obtenir une déclaration ou une autorisation avant de louer leurs biens. A noter que cette possibilité a été ouverte aux collectivités même si elles ne disposent pas de programme local de l’habitat (PLH) (loi du 9 avril 2024 pour accélérer et simplifié la rénovation de l’habitat dégradé. Cette loi a été présentée dans le mensuel n° 340 de juin 2024 et dans l’Infolettre n° 350 du 1er mai 2024),
  • de faciliter le dialogue entre le propriétaire bailleur et le locataire. Une médiation peut, par exemple, être mise en place, lorsque le bailleur refuse que l’on s’intéresse à son bien,
  • de recourir au nouveau dispositif « Bail rénov’ » qui apporte des conseils gratuits et actualisés sur la rénovation et la performance des logements,
  • d'utiliser le programme Slime (service local d’intervention pour la maîtrise de l’énergie) afin de repérer les ménages en situation de précarité énergétique, en proie à « d’importantes difficultés financières», les orienter et les accompagner sur tout le territoire,
  • de pouvoir dresser un état des lieux en amont, en se rapprochant de l’Observatoire national des bâtiments (ONB). Pour ce faire, la plateforme ww.urbs.fr/data/ permet d’acquérir une connaissance du parc bâti résidentiel à différentes échelles géographiques (à l’adresse, la commune, l’EPCI ou le département).

Enfin, il convient de préciser que les municipalités, en tant qu’acteurs locaux, vont être amenées à faire respecter cette nouvelle norme, appuyées par les caisses d’allocations familiales, les ADIL ( Agences Départementales d'Information sur le Logement), ou encore les architectes des bâtiments de France. Dans ce cadre, le « réseau Cler » recommande qu’une communication nationale soit mise en place à destination des maires et que la connaissance des espaces-relais  soit favorisée (espaces conseil France Rénov’, Adil...).



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Paru dans :

Info-lettre n°359

Date :

15 octobre 2024

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