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    Une Commune peut-elle mettre en place un servicede co-voiturage ?

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    Certaines communes situées en périphérie de l'agglomération toulousaine envisagent la mise en place d'un service municipal de co-voiturage destiné à couvrir principalement les trajets professionnels, scolaires et universitaires.

    Le rôle de la commune consisterait ainsi à mettre en relation les conducteurs et les passagers à l'aide d'un registre déposé au service accueil de la mairie.

    Les raisons de la mise en place d'un service de co-voiturage sont plurielles :

    - elles procèdent tout d'abord de la politique d'animation de la commune puisqu'il s'agit de favoriser les contacts entre les habitants et de développer un esprit d'entraide qui pourrait aller au-delà du simple co-voiturage ;

    - elles sont également d'ordre écologique puisqu'il s'agit de participer à la résorption du trafic routier et de contribuer ainsi à la diminution de la pollution sur l'aire urbaine ;

    - elles sont enfin d'ordre économique et social puisqu'il s'agit de lutter contre la hausse du prix du carburant et d'aider les moins fortunés à réaliser des économies de trajet.

    Il convient au préalable de s'interroger sur la légalité de ce service avant d'envisager les aspects liés à son organisation et aux responsabilités communales qui pourraient en découler.

    SUR LA LEGALITE DU SERVICE DE CO-VOITURAGE MIS EN PLACE PAR LA COMMUNE

    Selon l'arrêt de principe « Chambre Syndicale du Commerce de Détail de Nevers » (CE section, 30 mai 1930, Rec. p.583), l'intervention d'une personne publique dans un domaine réservé normalement à l'initiative privée n'est possible que si un intérêt public le justifie et si l'initiative privée est défaillante ou insuffisante.

    Dans le cas qui nous occupe, la mise en place d'un service de co-voiturage consistant à centraliser les offres et les demandes et à favoriser la mise en relation entre les conducteurs et les passagers relève a priori de la sphère concurrentielle.

    La prise en charge d'un tel service par la commune est donc susceptible de concurrencer les entreprises privées qui exercent l'activité de co-voiturage. Elle est également susceptible de concurrencer les entreprises privées de transports en commun et les entreprises de taxi.

    Cela dit, il est fort probable que dans le cas d'une commune rurale, l'initiative privée réponde de manière insuffisante ou de façon totalement négative aux besoins des habitants, ce qu'il appartient au maire de vérifier concrètement.

    Ainsi, il est probable qu'il n'existe pas de sociétés privées de co-voiturage installées sur le territoire communal.

    Par ailleurs, les sociétés qui existent et qui sont installées sur un autre territoire et dont le champ d'intervention dépasse ce territoire, ne disposent peut-être pas sur la commune concernée (c'est-à-dire la commune qui envisage la mise en place du service de co-voiturage) d'un nombre suffisant d'offres permettant de répondre à toutes les demandes.

    Sachant que la commune n'a pas à faire la publicité pour ces sociétés privées, l'insuf-fisance de l'initiative privée serait en conséquence un argument pouvant justifier une intervention communale dans ce domaine.

    S'agissant des entreprises privées de transport en commun (à supposer qu'il en existe), elles n'offrent pas la diversité des itinéraires qu'offre le co-voiturage.

    En effet, il est rare qu'un itinéraire de transport en commun dispose de points d'arrêt coïncidant parfaitement avec le lieu où se rendent les usagers, notamment en ce qui concerne le lieu de travail. Là encore, l'insuffisance de l'offre proposée par ces entreprises de transport en commun pourrait être mise en avant.

    S'agissant enfin des entreprises de taxi, le coût du trajet est bien évidemment prohibitif pour une utilisation quotidienne dans le cadre d'une activité professionnelle ou universitaire. Le juge administratif a ainsi estimé que le niveau trop élevé des prix pratiqués pouvait justifier une intervention publique (CE, 24 Novembre 1933, « Zénard », Rec. p. 1100 : légalité de la création d'une boucherie municipale destinée à provoquer la baisse des prix pratiqués par les bouchers privés).

    Quoi qu'il en soit, on peut raisonnablement soutenir qu'un service municipal de co-voiturage ne fausserait pas la concurrence car s'il n'existait pas, les habitants n'utiliseraient pas pour autant les services d'une entreprise de taxi pour leurs déplacements quotidiens mais utiliseraient leurs véhicules personnels, sauf peut être à partager un taxi à plusieurs, ce qui ne serait pas forcément plus économique que le véhicule personnel.

    Compte tenu de tout ce qui précède, il semble que plusieurs arguments peuvent militer en faveur de la légalité d'un service municipal de co-voiturage.

    Ajoutons à cela que la logique présidant à la création d'un tel service n'est pas commerciale puisque la commune ne perçoit aucune redevance. Ce service se rattache plutôt aux missions naturelles de la commune en matière d'animation locale, de protection de l'environnement dans une perspective de développement durable et d'amélioration de la circulation.

    Une jurisprudence, certes entourée d'un halo d'incertitude, considère qu'un service public doit pouvoir être créé en toute hypothèse sans que puisse y faire obstacle le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, dès lors qu'il est de ceux qu'une personne publique a vocation normale ou naturelle à assumer (CE, 17 décembre 1997, « Ordre des avocats », AJDA 1998 p. 362: à propos de la création d'un service public de données juridiques chargé de diffuser sur Internet les lois, les règlements et la jurisprudence ; CE, 18 mars 2005, « Territoire de la Polynésie Française », AJDA 2005 p. 2131: à propos de la création d'une ligne aérienne publique s'inscrivant dans une politique de développement touristique de la Polynésie Française).

    Cette jurisprudence semble viser aussi bien les services publics administratifs qu'industriels et commerciaux mais elle reste très imprécise sur les critères à utiliser pour identifier ceux des services publics que les personnes publiques ont vocation normale ou naturelle à assurer.

    Ainsi, dans notre cas, on pourrait raisonnablement soutenir que les missions d'animation, de protection de l'environnement et d'amélioration du trafic routier entrent dans les missions légales de la commune et qu'elles sont étrangères aux préoccupations des entreprises privées.

    SUR L'ORGANISATION DU SERVICE

    La commune peut élaborer un règlement d'organisation du service qui serait signé par tous les usagers du service.

    En vue de garantir la bonne exécution du service, ce document pourrait le cas échéant aborder les points suivants.

    L'engagement des usagers du service

    Ce règlement peut en premier lieu spécifier que toutes les personnes utilisant le service mis en place par la commune (conducteurs et passagers) s'engagent notamment à respecter les horaires de rendez-vous prévus pour leurs trajets.

    S'agissant du conducteur, il doit tout d'abord certifier qu'il est titulaire d'un permis de conduire valide.

    Par ailleurs, il doit garantir que son véhicule est non seulement assuré, mais qu'il est également en parfait état d'usage et d'entretien, et que les contrôles de sécurité sont effectués en conformité avec la réglementation en vigueur.

    Enfin, le conducteur doit s'engager à signaler à la commune tout changement de situation mettant en cause sa qualité de conducteur (ex.: retrait de permis, assurance du véhicule, ...).

    Le passager, quant à lui, s'engage notamment à ne pas adopter un comportement compro-mettant la sécurité au sein du véhicule.

    La participation aux frais

    Elle est laissée à la libre appréciation du conducteur mais rien n'empêche la commune de faire des préconisations tarifaires afin d'empêcher le conducteur de faire des bénéfices.

    De même, le paiement en espèce est recommandé mais les intéressés peuvent en décider autrement.

    Les offres et les demandes de co-voiturage - Tabac

    Il est important de rappeler que les offres et les demandes de co-voiturage doivent être fermes et non aléatoires.

    En cas d'annulation d'un voyage par le conducteur ou par le passager chacun doit prendre toutes ses dispositions pour avertir l'autre, soit à l'avance, soit au pire le jour même.

    A cet effet, un échange des coordonnées téléphoniques est souhaitable entre le conducteur et le(s) passager(s).

    Il paraît également utile que le conducteur précise si son véhicule est fumeur ou non fumeur.

    La gestion des places offertes par le conducteur

    Dans un souci de meilleur service aux usagers, la commune pourrait indiquer le nombre de places offertes par chaque conducteur et actualiser, autant que faire se peut, le nombre de places restant disponibles.

    Pour permettre cette actualisation, chaque conducteur devrait informer régulièrement la commune de la disponibilité des places offertes.

    Naturellement ce travail de gestion risque d'être un peu lourd pour la commune si bien qu'elle peut inviter les passagers à s'assurer eux même de la disponibilité des places offertes par le conducteur.

    Les rendez-vous (départ - retour) et les itinéraires

    Les rendez-vous sont fixés entre les conducteurs et les passagers de préférence à des endroits où il est facile de stationner.

    Quant aux itinéraires, ils sont de préférence indiqués à l'avance par les conducteurs mais rien n'empêche un conducteur et un passager de s'accorder pour modifier un itinéraire préétabli.

    La responsabilité de la commune

    La personne utilisant le service de co-voiturage mis en place par la commune doit reconnaître que la commune ne saurait être tenue responsable de tous dommages directs ou indirects subis par les co-voitureurs ou leurs véhicules (cf. infra concernant les aspects liés à la responsabilité).

    LES RESPONSABILITES COMMUNALES

    A priori, la commune n'est responsable que dans la limite des engagements qu'elle prend.

    Ainsi, elle ne saurait être responsable des accidents et des agressions si elle ne prend pas l'engagement de garantir, à tous points de vue, la sécurité du trajet.

    Elle demeure néanmoins responsable du bon fonctionnement du service. Il semble qu'elle ait l'obligation de s'assurer de la fiabilité des informations qu'elle communique aux usagers du service (conducteurs et passagers). Il apparaît notamment que les informations contenues dans les offres de co-voiturage doivent être exactes.

    Naturellement, pour que la responsabilité de la commune soit engagée, l'inexactitude de ces informations doit être la source directe d'un préjudice pour l'usager (conducteur ou passager). A priori, on voit mal quelle peut être la nature du préjudice subi par un usager du fait de renseignements inexacts donnés par la commune. Mais on ne peut pas exclure totalement l'hypothèse puisque la jurisprudence a reconnu depuis longtemps la responsabilité de l'administration pour informations erronées.

    D'une manière générale, et comme pour tous les autres services publics communaux, il appartient au maire de veiller au fonctionnement correct du service municipal de co-voiturage.



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    Paru dans :

    ATD Actualité

    Date :

    1 octobre 2006

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